Grandeur et décadence
Le 6 avril 2024
Rires et émotions composent avec brio le dernier film de Steven Soderbergh, injustement refusé des grands écrans aux États-Unis. Matt Damon et Michael Douglas sont fantastiques.
- Réalisateur : Steven Soderbergh
- Acteurs : Michael Douglas, Matt Damon, Dan Aykroyd, Debbie Reynolds, Scott Bakula, Rob Lowe, Paul Reiser
- Genre : Comédie dramatique, Biopic, LGBTQIA+
- Nationalité : Américain
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 1h58mn
- Date télé : 17 août 2022 20:55
- Chaîne : Arte
- Titre original : Behind the Candelabra
- Date de sortie : 18 septembre 2013
- Festival : Festival de Cannes 2013
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Résumé : Avant Elvis, Elton John et Madonna, il y a eu Liberace : pianiste virtuose, artiste exubérant, bête de scène et des plateaux télévisés. Liberace affectionnait la démesure et cultivait l’excès, sur scène et hors scène. Un jour de l’été 1977, le bel et jeune Scott Thorson pénétra dans sa loge et, malgré la différence d’âge et de milieu social, les deux hommes entamèrent une liaison secrète qui allait durer cinq ans. "Ma vie avec Liberace" narre les coulisses de cette relation orageuse, de leur rencontre au Las Vegas Hilton à leur douloureuse rupture publique.
Critique : Étonnement jugé « trop gay » par les studios, Ma vie avec Liberace n’aura jamais connu les salles obscures américaines et fut directement diffusé à la télévision, sur HBO, où il réalisa par ailleurs des records historiques d’audience. Si le ton adopté est clairement celui de la caricature, le long métrage n’a rien de bien transgressif, son récit étant, finalement, des plus classiques : on y suit le parcours de Scott Thorson, jeune homme ordinaire, qui par un concours de circonstances, deviendra l’amant de Liberace, célèbre musicien kitsch et homosexuel de la fin des années 70.
C’est donc à travers les yeux d’un personnage totalement étranger à Liberace et à son univers que Soderbergh raconte la vie mouvementée du musicien star. Difficile en ce sens de classer le film dans le genre désormais affirmé du biopic, tant le regard porté sur son personnage central, mais pourtant pas principal, n’a rien de la retranscription réaliste et fidèle que nombre de traditionnels biopics se targuent de posséder. Et même si le long métrage se déroule sur plusieurs années – ce qui accentue inévitablement son caractère descriptif –, le ton adopté privilégie l’extrême second degré au pragmatisme : regorgeant de moments tournés à la dérision, Ma vie avec Liberace n’est définitivement pas le film portraitiste auquel on pouvait légitimement s’attendre.
Il faut dire que c’est avec une justesse exceptionnelle que Soderbergh et LaGravenese, le scénariste, sont ironiques avec cette histoire, ses personnages, ses situations, en les rendant incroyablement loufoques, surtout dans sa première partie, qui constitue l’adaptation de Scott au rythme de vie de Liberace – moment mémorable parmi tant d’autres, l’arrivée de Scott dans la demeure du musicien, à la décoration kitsch et incroyablement vulgaire.
Pour autant, cet humour, dont la finesse repose principalement sur un ingénieux équilibre entre gags et dialogues, ne réduit pas Ma vie avec Liberace à la simple et grasse comédie américaine ayant pour trame de fond la vie édulcorée d’un personnage ayant réellement existé. La capacité du film à faire éclore des dramaturgies insoupçonnées et une portée politique parvient à maintenir une réelle tension dramatique, notamment en créant un lien authentique entre son personnage – en l’occurrence Scott – et son spectateur – lien qui se montre indispensable à l’établissement d’un comique de situation terriblement efficace. L’humour dont jouit le long métrage lui permet ainsi de poser un regard autant critique que détaché sur l’univers qu’il met en scène, et où la superficialité est reine – reflet d’une époque où l’impossible semblait écarté de toute éventualité. Moment charnière et représentatif de cet état de fait : Scott qui, sous la pression, accepte l’opération de chirurgie esthétique que Liberace lui propose afin de lui ressembler. Avec l’aide des extraordinaires performances de Matt Damon et Michael Douglas – duo qui aurait dû repartir de Cannes avec le prix d’interprétation – le pathétisme rejoint alors la comédie et saupoudre le film d’une intelligente touche d’amertume. Amour, humour, émotions : oui, Ma vie avec Liberace est un génial moment de cinéma.
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