Moi, toi et l’avenir
Le 23 août 2011
Loin du feel-good movie récemment mis à la mode dans le ciné américain, l’artiste indépendante Miranda July fait entendre sa petite musique triste des êtres et de la vie. Une œuvrette personnelle, inaboutie mais attachante.
- Réalisateur : Miranda July
- Acteurs : Miranda July, Hamish Linklater, David Warshofsky, Joe Putterlik
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Américain, Allemand
- Date de sortie : 17 août 2011
– Durée : 1h31
Loin du feel-good movie récemment mis à la mode dans le ciné américain, l’artiste indépendante Miranda July fait entendre sa petite musique triste des êtres et de la vie. Une œuvrette personnelle, inaboutie mais attachante.
L’argument : Sophie et Jason, un couple trentenaire, vivent dans un petit appartement à Los Angeles. Dans un mois, ils adopteront Paw Paw, un chat abandonné. Un peu paniqués à l’idée de perdre leur liberté, ils quittent leur travail et se donnent 30 jours pour accomplir leurs rêves. Sophie et Jason vont tenter toutes les expériences jusqu’à traverser l’espace-temps pour donner une nouvelle chance à leur futur.
Notre avis : Artiste touche-à-tout (cinéma, musique, radio, art contemporain, multimédia...), Miranda July revient à la réalisation près de six ans après son très remarqué Moi, toi et tous les autres, Caméra d’Or au festival de Cannes 2005. La jeune cinéaste a visiblement pris son temps pour transformer l’essai, ne revenant derrière la caméra qu’avec un projet tout personnel, à un tournant de son existence. De fait, The Future poursuit dans la même veine intimiste et semi-autobiographique que son précédent long, captant la crise de la mi-trentaine d’un couple déboussolé, terrifié par l’idée de son avenir. Sur un coup de tête, Jason et Sophie décident de faire une "pause" dans leur vie pour mieux avancer, ensemble : boulot, relations, habitudes, ils quittent tout et se donnent un second départ.
Le sujet ne brille pas par sa nouveauté, en particulier dans le cinéma indépendant américain auquel on pense beaucoup devant The Future, y compris dans ses fameuses marques de fabrique : artifices de mise en scène, musique atmosphérique, "collage" d’idées façon patchwork... Pourtant, le traitement ne se laisse pas exclusivement enfermer dans ces tics et révèle, in fine, une réelle originalité. D’abord parce que Miranda July, à la différence de certains "faiseurs" de l’indé comme Jason Reitman (Juno) ou Mark Webb (500 jours ensemble), est un véritable auteur et semble avoir mis beaucoup d’elle-même dans son histoire, qu’elle a d’ailleurs écrite et produite de bout en bout. Ainsi émotions et situations sonnent juste, et certains acteurs (amateurs) jouent même leur propre rôle - le vieillard bricoleur qui conserve les souvenirs de sa femme disparue, personnage le plus poignant du film. Au détour de sa forme élégante et cotonneuse, The Future cerne acuité tous nos rêves inaccomplis et enfouis, toutes les compromissions qui nous empêchent de les atteindre, tous ces coups de folie qu’on se donne en objectif sans trop y croire. July ausculte les données d’un monde changeant dans lequel il devient de plus en plus difficile de définir son identité : tandis que Jason se fait militant écologiste en porte-à-porte, moins par conviction que par curiosité, pour voir ce que ça donne, la danseuse Sophie voudrait publier ses chorégraphies sur Internet mais peine à trouver sa place dans la vaste toile de quidams anonymes et d’hideuses vidéos amateurs. Comme dans Moi, toi et tous les autres, les nouvelles technologies occupent une place non négligeable dans le regard pertinent que porte July sur le monde contemporain.
Cette quête de leur "particularité", menée par les personnages eux-mêmes, ne débouche sur aucun optimisme artificiel, mais bel et bien sur le triste constat d’une valse-hésitation permanente, symbolisée par plusieurs leitmotivs (dont celui du chat-narrateur, qui attend un mois à la garderie avant que le couple ne vienne le chercher) et par le déchirement final du couple. En cela, même s’il côtoie parfois le spleen chic (voire toc) d’un Sofia Coppola, The Future sait aussi se faire plus sombre, étrange, rugueux. Il se démarque aussi du tout-venant par son travail sur le Temps, finalement son grand sujet. "Le Futur", nous dit le titre du film, qui embrasse en réalité toutes les strates de temporalité : le temps qu’on a laissé derrière soi et qu’on regarde avec mélancolie, celui qui file trop vite et qu’on voudrait retenir, et celui qui se profile, nous effraie et apporte peu de promesses. Le film pose ainsi les bonnes questions et fourmille d’idées inventives et discrètement profondes, un peu "gondryesques" (on pense parfois à Eternal sunshine of the spotless mind), pour leur donner pleine mesure : une séquence d’"arrêt sur images" suspendu à plusieurs journées, prenant l’allure d’une haletante course contre l’oubli, une autre où July-Sophie voit littéralement défiler devant elle une autre vie que la sienne, avancer sans elle, la laisser sur le bord de la route, tandis qu’elle-même reste clouée à son éternel présent...
Jolies variations temporelles, que la réalisatrice malaxe en bonne artiste expérimentale. L’ensemble s’avère ainsi plutôt charmant, attachant, même si le recours systématique à la métaphore a tendance à glacer l’ensemble, à lui enlever sa charge émotionnelle, freinant ainsi notre identification avec les figures en place, et ce malgré l’impression de vécu qui s’en dégage et la qualité de l’interprétation (mention spéciale au lunaire Hamish Linklater, sorte de clone rajeuni du John Krasinski d’Away we go). Par ce manque d’affect, ramenant le film du côté d’un bric-à-brac vaguement poétique ou d’un objet intello-pop, l’ensemble s’étire légèrement en longueur. Work in progress de belles idées graphiques et de profonds questionnements humains, The Future séduit et ennuie tour à tour, mais confirme le statut très particulier de Miranda July dans le paysage du cinéma indépendant américain, artiste définitivement à suivre qui a tout l’avenir devant elle.
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Jujulcactus 21 septembre 2011
The Future - la critique
Le point de départ de « The future » est très intéressant, il se pose sur un couple de trentenaires prêt pour l’adoption d’un chat, qui leur fait réaliser que dans un mois, ils ne seront plus libres, et ce pour le restant de leur vie ! Du coup, 30 jours s’offrent à eux pour expérimenter des choses, se faire plaisir, goûter à l’inconnu... Mais finalement les jours passent et les deux adulescents s’éloignent l’un de l’autre... Cette première partie dans une veine ciné indé très moderne est assez séduisante, les deux personnages bien que « mous du genou » représentent une réalité d’aujourd’hui et sont attachants. Mais le film se dénerve petit à petit, et tombe dans un schéma minimaliste assez redondant. Si cette lenteur déroutera sans aucun doute, le film possède malgré tout un charme difficile à décrire. La réalisatrice expérimente beaucoup de choses avec sa caméra ou son récit, elle assimile la rupture sentimentale à une faille temporelle, croise différents systèmes de narration comme celui aux mains du chat ! Ce côté science fiction étonne, dérange mais donne au film une tonalité singulière. Narcissique sur les bords, Miranda July se met en scène mais ne convainc pas vraiment, son acolyte Hamish Linklater se révèle lui touchant. Le film n’accroche pas assez son spectateur, manque de dynamisme et à force de se regarder le nombril, ennuie... Ce qui aurait pu constituer un magnifique court métrage pour la singularité des idées, du ton, et de la mise en scène, peine malheureusement à séduire sur la durée. Film de bobo maniéré et chiant ou jolie fable surréaliste sur le couple ? Difficile de trancher, sûrement les deux en fait...