Le 12 juin 2024
À une époque où les radicalismes politiques et les sursauts sécuritaires envahissent le débat public, JR fait une brillante démonstration du pouvoir de l’art et de la relation humaine en matière de réinsertion sociale des délinquants.
- Réalisateur : JR (Jean René)
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Suisse
- Distributeur : mk2.Alt
- Durée : 1h32mn
- Date de sortie : 12 juin 2024
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Résumé : Les États-Unis représentent 4,2 % de la population mondiale et 20 % des détenus dans le monde. En octobre 2019, l’artiste JR obtient l’autorisation sans précédent d’intervenir dans l’une des prisons de haute sécurité les plus violentes de Californie : Tehachapi. Certains détenus y purgent des peines à perpétuité pour des crimes commis alors qu’ils n’étaient que mineurs. À travers son projet de fresque, JR rassemble les portraits et les histoires de ces hommes, offrant un regard différent sur le milieu carcéral et apportant un message d’espoir et de rédemption possible.
Critique : Dès les premières images, l’artiste plasticien et réalisateur, JR, donne le ton. Les États-Unis avec ses 4 % de la population mondiale, recensent le plus grand nombre de personnes incarcérées, condamnées à des durée d’emprisonnement absolument surréalistes. Le pied de nez est d’emblée jeté au cœur d’un débat public qui fait l’éloge d’une société sécuritaire, avec une augmentation des places de prison et une fermeté inhumaine dans les décisions de justice. Car justement, l’objectif du photographe est de parvenir à humaniser des figures de condamnés à des peines de perpétuité, dans un établissement carcéral, Tehachapi, planté dans le désert californien. Le réalisateur, qui se méfie de toute accusation facile de faire preuve de démagogie, précise que ce projet n’a rien d’une évidence, d’autant que lui-même a subi bien des problèmes avec les autorités policières et judiciaires des pays où il a collé ses œuvres.
- © JR / Social Animals Production (JRSA) / Ciné-Tamaris / MK2 Films
Tehachapi n’est surtout pas un film au service du talent incontestable du créateur. À la limite, la photographie des prisonniers et l’étalage de leurs visages en pleine cour du centre pénitentiaire n’occupent qu’un temps infime de la réalisation. L’objectif surtout est d’associer à chacun de ces hommes qui se prêtent au jeu, un témoignage qui défend avec force la possibilité de chacun de nous de se racheter une cause et de changer. Le documentaire se veut optimiste et politiquement engagé, sans pour autant verser dans la mièvrerie et la facilité. JR montre que l’expression artistique constitue l’un des leviers efficaces parmi d’autres pour permettre à des personnes de se sortir de l’incarcération et à transformer leur existence.
JR n’a pas oublié sa très belle expérience de cinéma avec Agnès Varda. Il réalise cette fois seul un nouveau film qui va à la rencontre de ces têtes brûlées par des années d’incarcération. Il dévoile l’humanité qui se cache derrière le pire. Car ces hommes ont commis des crimes terribles, ont participé à des gangs dangereux, affublent pour certains des croix gammées sur le visage. La prison qui les retient à vie apparaît un espace aussi monstrueux que les condamnés qu’elle retient derrière ses portes avec ses cages à même le soleil, ses cellules minuscules et ses scènes de violence qui ponctuent son quotidien. Dit autrement, JR se garde bien d’angéliser ces individus qui manifestement ont tué des personnes dans des conditions assez ignobles.
- © JR / Social Animals Production (JRSA) / Ciné-Tamaris / MK2 Films
JR se filme à l’intérieur comme un homme libre. Il garde ses lunettes de soleil et sa casquette, filme les lieux avec son téléphone, se déplace avec une agilité déconcertante à l’intérieur des couloirs, comme un bras d’honneur porté contre les institutions carcérales qui font hélas souvent la démonstration de leur incapacité à empêcher la récidive. Le cinéaste invente un langage décalé, alternatif, et profondément volontariste. Comment un juge peut-il condamner une personne à cent-seize années d’incarcération ? Comment peut-on enfermer à vie des adolescents, qui certes ont commis l’irréparable, mais demeurent dans tous les cas encore éducables et réinsérables.
Tehachapi est un documentaire qui vient à point dans le débat politique du moment. Il montre à coups d’images la puissance de transformation des gens par l’art, mais surtout par le lien respectueux et digne qui se crée avec l’artiste. Car JR aime les hommes qu’il filme. Il les regarde comme des condamnés que la vie pourrait encore changer, il croit foncièrement en la capacité que chacun d’entre nous a de choisir son destin.
Voilà donc un film qui fait un bien monstre au cœur et à l’âme. JR y prend toute sa place, mais avec la pudeur d’un grand artiste qui s’efface devant ces vies fracturées et sans espoir.
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