Le 28 août 2021
Pour son troisième film, Jacques Deray réussit un polar froid et sombre porté par des acteurs haut de gamme. Dans la catégorie "c’est l’histoire d’un casse raté", le film fait preuve d’une vraie modernité dans le traitement du polar et la mécanique du scénario.
- Réalisateur : Jacques Deray
- Acteurs : Jean Rochefort, Charles Vanel, Michèle Mercier, Michel Auclair, Claude Dauphin
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Noir et blanc
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Prodis
- Editeur vidéo : Pathé Vidéo
- Durée : 1h50mn
- Date télé : 28 août 2021 20:40
- Chaîne : OCS Géants
- Box-office : 856.901 France / 236.874 entrées Paris Périphérie
- Date de sortie : 2 août 1963
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Résumé : Sur un gros coup avec quatre truands, Jabeke entend faire cavalier seul pour rafler la mise et entreprend d’attiser la haine entre ses complices.
- Copyright Pathé Vidéo
Critique : Cinq associés, beaucoup d’argent, un traître, et l’engrenage qui mène à une fin sinistre. Voilà en quelques mots le scénario signé Deray, Giovanni et Sautet, d’une implacable maîtrise et qu’on suit épaté, surtout par le refus des facilités : le cinéaste gomme tout ce qui peut nuire à la rigueur du récit, effaçant les personnages secondaires, les passants et les fioritures narratives. Réduit à l’essentiel, ce film austère sans lyrisme tient par sa précision, et même sa minutie. En effet tous les détails y sont importants, des objets (le sac, les coffres, un journal) aux relations (l’adultère) ou aux situations financières (les faux dollars). Chaque élément ainsi mis en place trouve plus tard sa justification et son rôle, en une machine puissamment huilée. Trop, presque, jusqu’à l’étouffement que suggère d’ailleurs un cadre quasi claustrophobe et le goût des intérieurs, comme ces plans de grilles ou des légères contre-plongées. Pas d’échappatoire dans ce jeu risqué : dès que Jabeke (le très sobre Rochefort) a l’idée de s’emparer de l’argent, tout semble déjà écrit, et le destin n’a plus qu’à dérouler son fil d’araignée collant.
Deray laisse parfois éclater une violence subite ; mais pour l’essentiel son film repose sur un quotidien prosaïque fait de trajets, et d’un nombre considérable de portes que les personnages passent leur temps à ouvrir, fermer ou fracturer. Derrière chacune d’elle peut se cacher une surprise ou un mensonge, d’où un montage abrupt qui lie des êtres esseulés et distants les uns des autres. Rares sont les plans qui les saisissent ensemble, une fois l’affaire conclue. C’est que leur union n’est que de façade, elle ne tient que par l’intérêt : même le patelin Paoli (admirable Vanel), amateur de pâté de merle, est un homme dur en affaires et sans pitié. Quant à Jabeke, pas de trace sur son visage marmoréen de remords : il s’adapte et ment en conservant son apparence neutre. Film d’hommes, Symphonie pour un massacre (le titre n’est pas très heureux…) suit ses personnages avec une froide distance qui n’en rend que plus cruel leur sort. Film d’hommes, mais d’hommes dénués de psychologie et de sentiments ; seules les femmes semblent capables d’humanité – mais les deux rôles féminins sont sacrifiés – dans un monde réifié, presque abstrait, invivable.
Il y a dans ce film un goût du caché que nombre de détails ou de lieux (la cave, les coffres, les tiroirs, les mensonges évidemment) mettent en lumière, comme si ces personnages froids n’avaient plus qu’une apparence et déléguaient aux choses ou aux mots leur profondeur. De là une fréquente distance (peu de gros plans) qui achève de faire d’eux des robots sans âme. Deray traite au fond d’une déshumanisation que la cupidité engendre, une cupidité sans fin comme le dit Vanel au début du film, aussi inextinguible que dérisoire. Le jeu souvent raide des acteurs (admirable casting) contribue à ce sentiment, jusqu’à laisser un goût amer, celui que laissent les films noirs réussis. Et celui-ci en est un, incontestablement.
Les suppléments :
Un seul bonus, dans lequel Jean-Philippe Guérand et François Guérif analysent le film en un entretien croisé et chapitré : les dialogues, le scénario, le genre, la mise en scène et le casting sont ainsi évoqués, de manière efficace mais très concise (27mn).
L’image :
Restaurée, l’image présente fidèlement les innombrables nuances de gris du film ; piqué impeccable, absence de scories, stabilité, tout y est pour se réjouir d’une découverte inattendue.
Le son :
Là aussi la piste 2.0 DTS-HD Master Audio est pleine de vitalité : on ne perd rien des dialogues et la musique résonne sans saturations.
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