Le 28 novembre 2021
Écriture automatique, lévitation, guéridon frappeur, apparitions photographiées et ectoplasmes difformes raviront les spécialistes comme les curieux. Sur près de 180 pages, Philippe Baudouin, qui œuvre notamment sur France Culture, nous transporte dans l’univers mystérieux des femmes médiums de la fin du XIXe siècle.
- Auteur : Philippe Baudouin
- Editeur : Pyramyd
- Genre : Essai
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 10 novembre 2021
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
L'a lu
Veut le lire
Résumé : La bande dessinée et le cinéma de genre se sont souvent appliqués à mettre en scène des femmes capables de communiquer avec les défunts. Leur sensibilité, que d’aucuns disent plus développée que celle des hommes, est à l’origine du mouvement spirite que l’instituteur Hippolyte Léon Denizard Rivail plus connu sous le nom d’Allan Kardec, va théoriser dans le Livre des esprits en 1857. Celles que l’on appelle d’abord les « somnambules magnétiques » deviennent célèbres, des références que l’on se dispute. Au cours de séances spécialement dédiées, ces médiums commencent par faire bouger des tables, avant que les morts ne se manifestent en s’exprimant à travers elles. Des ectoplasmes sortent par leurs orifices et des spectres sont même photographiés pour figer l’au-delà. Supercherie ou réalité ? Philippe Baudouin que l’on connaît pour ses travaux sur le paranormal (Les Forces de l’ordre invisible) nous parle de spiritisme, de sa naissance aux États-Unis à son apogée en Europe occidentale, en décrivant une pratique singulière bien souvent portée par des femmes. Le livre, richement illustré par des photographies d’époque, nous permet de mieux comprendre une histoire étonnante.
- Copyright Pyramyd
Critique : La publication du Livre des Tables en 1923 révèle, des années après sa mort, la grande passion de Victor Hugo pour faire tourner les tables, lors de soirées spirites organisées sur l’île de Jersey, de septembre 1853 à octobre 1859. Consignées sur quatre cahiers, les séances, particulièrement longues, respectent scrupuleusement le système de communication primitif (un coup pour A, deux pour B, etc.) inventé par les sœurs Margaret et Kate Fox aux Etats-Unis en 1848, dont nous parle Philippe Baudouin dès les premières pages de Surnaturelles. Comme Victor Hugo, initié par Delphine de Girardin, les femmes sont au centre d’un mouvement très à la mode au milieu du XIXe siècle, notamment en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Cette histoire nous est livrée en quatre chapitres.
Le premier évoque les pionnières et les maîtresses de cérémonies. « Si elle touche à ses débuts principalement les populations blanches et protestantes, c’est finalement l’ensemble des États-Unis qui cède à la tentation de communiquer avec les morts », à la fin de 1852. L’engouement gagne d’abord l’Angleterre, puis une grande partie de l’Europe. Progressivement, « les messagères de l’au-delà » sont assistées par les objets du quotidien, de la feuille de papier au guéridon (de l’écriture automatique aux tables qui lévitent), puis par des outils plus élaborés, telle la « planchette spirite », rebaptisée Ouija et brevetée en 1891. Bien que partagée entre scepticisme et fascination, la société tout entière s’intéresse au spiritisme, y compris les intellectuels excités par les formidables perspectives que laisse augurer la possibilité de communiquer avec les esprits.
Très vite, la simple retranscription de la parole des morts ne suffit plus. La pression des adeptes de l’occultisme, qui en veulent toujours davantage, encourage la multiplication des apparitions fantomatiques extraordinaires, ce qu’explore le deuxième chapitre, consacré au messagères de l’au-delà et faiseuses de spectres. « Des femmes parviennent, en projetant leur ‘fluide psychique’ sur les plaques sensibles, à faire apparaître des silhouettes dont les traits rappellent souvent aux clients de ce nouveau type de commerce l’expression familière de leurs chers disparus. » On ne compte plus les centaines de clichés « sur lesquels de mystérieuses formes évanescentes viennent auréoler les visages des femmes médiums ». Initialement organisées entre initiés issus des classes supérieures, les séances se démocratisent pour devenir des spectacles populaires, mais aussi des consultations payantes. Les évolutions sont nombreuses et la matérialisation « des contacts » devient une obligation. Les moulages en paraffine des mains des défunts sont des « preuves » très prisées, tout comme le sont aussi les ectoplasmes qui sortent par la bouche ou les oreilles des femmes spirites plongées dans un état second. Les trucages et les escroqueries deviennent alors monnaie courante.
Dans le troisième chapitre intitulé "machines, cobayes et femmes-objets", l’auteur aborde la question de l’entrée des médiums dans les laboratoires, à partir des années 1870. L’expérimentation scientifique s’emploie à lever les doutes et les interrogations que fait peser le paranormal, pour objectiver et valider les facultés des femmes qui acceptent de se soumettre à des tests. On apprend ainsi que « l’Italienne Eusapia Palletino est expertisée entre 1905 et 1908, au cours de quarante-trois séances organisées au siège de l’Institut général psychologique de Paris », entourée de savants de renom, tels le philosophe Henri Bergson ou le physicien Pierre Curie.
Plus que les portraits de femmes qu’il propose dans un dernier chapitre, Philippe Baudouin, tel un anthropologue, observe et analyse un phénomène encore très populaire jusqu’au début du XXe siècle, sans jamais porter de jugement sur les pratiques qu’il décrit. Surnaturelles, édité chez Pyramyd au mois de novembre 2021, est assurément un livre très surprenant. Une belle réussite !
Pages : 176
Prix : 29€
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.