Première classe
Le 30 octobre 2013
Dystopie aussi brillante que ferroviaire, l’ambitieux rejeton de maître Bong Jon-ho a les idées claires et le souffle continu. Comme papa.
- Réalisateur : Bong Joon-ho
- Acteurs : Chris Evans, Ed Harris, Jamie Bell, Tilda Swinton, Song Kang-ho, Vlad Ivanov, Octavia Spencer, Wild Side Films, Happy Anderson
- Genre : Drame, Science-fiction, Dystopie
- Nationalité : Américain, Français, Sud-coréen
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 2h05mn
- Date télé : 24 octobre 2024 23:10
- Chaîne : CSTAR
- Date de sortie : 30 octobre 2013
Résumé : 2031. La Terre n’est plus qu’une étendue gelée. Les derniers survivants sont à bord d’un train condamné à tourner autour d’elle.
Critique : Il aura fallu huit ans, le plus gros budget de l’histoire du cinéma coréen, de la ténacité plein les manches et cent vingt tonnes de décors à Bong Joon-ho pour mettre son enfant roi dans les bras du monde, à qui cet adepte du cumul des mandats a d’ailleurs trouvé le moyen d’asséner deux claques bienvenues (The Host et Mother) pendant la gestation de Snowpiercer. Résultat : ce dream project nourri au sein et inondé d’amour a le charme du commerce de proximité et l’efficacité d’une grande surface. Il vous donnera surtout, en un peu plus de deux heures, l’occasion de vous réconcilier avec la science-fiction et la SNCF.
- © 2013 Moho Films, Opus Pictures, Stillking Films. Tous droits réservés.
Adapté d’une bande dessinée française trouvée par BJH au coin d’un bac séoulien, Snowpiercer a pour avantage fondamental son merveilleux high concept, fait remarquable à l’heure où cette simple expression donne à la plupart des fanatiques du cinéma de genre l’envie de vivre dans un four à chaleur tournante. Voyons plutôt : dix-sept ans après une catastrophe écologique, les derniers représentants de l’espèce humaine vivent dans l’arche sur rails d’un industriel aussi tyrannique que prévoyant. Pyramide sociale à plat ventre, le train réserve ses wagons de tête à l’élite, et les compartiments de queue à la plèbe, petit échantillon d’humanité élevée en batterie et surveillée par la milice du dictateur Wilford. Oui mais voilà, fatigués de rester à leur place, les opprimés menés par Chris Guevara Evans décident de rendre visite à la locomotive présidentielle pour lui barboter le pouvoir. L’idée est plutôt belle, et BJH prend bien soin de ne pas souiller sa clarté en s’imposant une narration aussi linéaire que la progression physique de ses personnages. Sans ellipses, ni flashback, le surdoué (également auteur du scénario) pose un background solide au prix de dialogues un poil replets, règle ses pas sur ceux de l’alliance rebelle, et fait de son mystère horizontal le plus beau des leviers à fantasmes. Dans Snowpiercer, film intelligent sans chercher à l’être, l’enfer se traverse de plain-pied (un nivellement qui dévisse nos repères, réglés sur la symbolique des tours ou des gouffres). Longue vie aux contraintes.
- © 2013 Moho Films, Opus Pictures, Stillking Films. Tous droits réservés.
Lesté par un discours politique obèse et redondant sur la prédétermination sociale ou l’endoctrinement, mais paradoxalement allégé par ses dérapages comiques (les messes mystico-propagandistes à la gloire de Wilford) et ses métaphores à l’humour polaire (la chaussure, le chapeau, on ne peut pas vous en dire plus), Snowpiercer cultive un goût pour le paradoxe, le double fond et le pragmatisme salaud qui habille ce blockbuster en anglais d’une ambiguïté tout à fait coréenne. Chic. Le train – monade décadente- se déshumanise en se civilisant, les enjeux s’assombrissent à mesure que la lumière pénètre les wagons (pas de fenêtres à l’arrière), et une pétrifiante (bio)logique du cercle vicieux (évidemment renforcée par le trajet perpétuellement recommencé de l’arche) s’installe perfidement au fil des indices semés par Monsieur Ho, amoureux des lignes claires, mais tortueuses (ce qui vaut pour son récit comme pour l’ambivalence de ses protagonistes).
- © 2013 Moho Films, Opus Pictures, Stillking Films. Tous droits réservés.
Grand mogol des rythmes narratifs, Bong Joon-ho est aussi un œil ambulant, dont la partition visuelle surmonte haut-la-rétine ses épreuves imposées (adapter la grammaire de la BD à l’écran, filmer des actions lisibles dans des espaces restreints). Encombrée par quelques ralentis pénibles, sa mise en scène d’économe avisé évite globalement les coups d’éclat pour mieux servir son récit. Snowpiercer est un exercice de style dont on ne devine jamais le labeur, effacé par le design brillant (et totalement immersif) des différents compartiments, ou transfiguré par la pertinence quasi-spielbergienne des plans choisis. De l’orfèvrerie sous le radar, on vous dit, qu’il faudra soumettre à un second examen pour en saisir toute la limpidité.
- © 2013 Moho Films, Opus Pictures, Stillking Films. Tous droits réservés.
À l’heure où le tout-venant du divertissement occidental maquille ses wagons à bestiaux en voitures de luxe, ce petit sommet d’humanisme pervers et d’ambition artisanale offre aux spectateurs maltraités le plus gratifiant des refuges, et parvient à espacer suffisamment ses grosses ficelles pour ne pas se prendre les idées dedans. Allez, Bong Joon-ho, laisse le reste de la promotion 2013 (hormis Pacific Rim) patauger dans son petit bain science-fictionnel, et file nager avec les grands.
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saarlun 4 novembre 2013
Snowpiercer, le Transperceneige - Bong Joon-ho - critique
Film magnifique, on va crescendo dans un pur délire, on se demande ce qu’il va se passer à chaque passage de porte, on passe de la violence au surréalisme le plus incongru, un mélange des genres remarquable, tourné de main de maître, seul petit bémol, le monologue totalitaire de Wilford, le méchant machiniste, mais il est néanmoins nécessaire pour comprendre ce déferlement de rage et d’horreur. Culte.
birulune 1er décembre 2016
Snowpiercer, le Transperceneige - Bong Joon-ho - critique
Du High Rise, sur le plan horizontal plutôt que vertical, et sans le sexe, mais la volonté de renverser le système se retrouve toujours face à ses propres dilemmes : Les riches a l’avant et les pauvres en wagons de queue ; révolte contre l’ordre établi mais est-ce mordre la main qui nous nourrit ? ( quand on voit ce qu’on leur donne a manger la perte est minime). Notre captain America en leader torturé mais pragmatique est tout bonnement absolument fantastique. Pas de longueurs, pas de bastons inutiles, on chemine avec eux vers la lumière et a nous aussi elle nous brûle les yeux : Les différents twists de la fin nous laissent pantois. La société d’après apocalypse rutile à toute vitesse dans ce train errant sans fin dont le seul but est de continuer à survivre, arche inversée, il devient le symbole d’une boucle éternelle avec son lot d’injustices, de sacrifices et de non-sens de la quête révolutionnaire. Swinton est terrible en maniaque puriste adoratrice du nouveau patriarche. A vomir ou a adorer
MYTHOMANIAC 27 juin 2019
Snowpiercer, le Transperceneige - Bong Joon-ho - critique
Un film bien construit, riche en thématique, bien réalisé avec des contraintes multiples. De nombreux plans rappellent des planches de BD. Chris Evans est toujours un monolithe artistique mais il représente bien le personnage. Il est accompagné d’un casting impressionnant. À découvrir d’urgence.