Démarrage au quart de tour pour un voyage délirant dans un espace-temps indéfinissable, où les personnages mélangent joyeusement spiritualité, digressions sur Dieu, la vie, la mort, le sexe et l’alcool. Accrochez vos ceintures !

Dire de Sionoco qu’il se déroule en grande partie au sein d’une communauté juive progressiste de New York serait réducteur, diablement réducteur ! Décrire le chef spirituel de ladite communauté fait entrer le récit dans une dimension autrement plus "fun"... Sol, rabbin de son état, a une quarantaine d’années. C’est un rabbin ô combien moderne, voyageant en business class, vivant à New York, dans un penthouse surplombant Central Park, avec chauffeur, domestiques, épouse richissime et magnifique, forcément magnifique.

Il va pourtant s’attirer de gros ennuis, comme son défunt père, d’ailleurs... Les chiens ne font pas des chats. Moos Mayer, rabbin lui-même de son vivant, né aux Pays-Bas, chassé de sa communauté pour moeurs dissolues - comprenez pour avoir besogné sur le billot de la cuisine familiale la plantureuse madame Wischjager. Père moraliste et veuf, faites ce que je dis, etc., il éleva son fils dans de solides préceptes talmudistes, si, si ! avant de disparaître corps et âme au Surinam.

Mais Sol rencontre la chair. L’obsession même, une chanteuse (astrophysicienne de surcroît), qu’il va poursuivre de lieux glauques en hôtels minables, invoquant le Talmud comme un fragile rempart. Cette fatale rencontre va-telle faire voler en éclats sa belle vie de rabbin estimé et nanti, garant de l’ordre et de la morale, mari exemplaire ? Ira-t-il jusqu’à commettre le péché d’adultère ? Sol doute, de lui, de sa foi, des raisons qui l’ont poussé à devenir rabbin...

Hanté par le corps d’une femme qui n’est pas son épouse, habité par sa quête du père, cherchant dans l’alcool de fausses réponses à des questions qu’il n’ose poser, il entreprend un voyage au Surinam, dans l’espoir de donner enfin un sens à sa vie. Jusqu’à la dernière phrase, Sionoco bouscule, dérange, émeut. Parfois l’écriture se fait grinçante, l’humour nostalgique, mais tout cela tourbillonne dans un récit vif et désopilant où la petite touche d’amertume ne sert qu’à relever l’inimitable sauce juive new-yorkaise.