Solitude d’un autre genre - La chronique BD

C’est peu dire que Kabi Nagata livre au lecteur un récit profondément intime. L’autrice rapporte sans faux semblants ses troubles psychiques et ses conséquences néfastes sur sa santé physique (perte de poids et de cheveux, troubles digestifs). Mais l’intérêt de cette autobiographie réside avant tout dans la découverte de soi et l’acceptation progressive de son corps. Face à l’incompréhension de sa famille et l’impossibilité physique de nouer des interactions sociales, Kabi Nagata mène un combat intérieur de tous les jours contre sa dépression, qui passe le plus souvent par des micro-victoires (réussir à se lever le matin, à manger, etc). Le recours à une prostituée pour enfin comprendre son homosexualité, interagir avec autrui et découvrir son corps apparaît ainsi comme un acte de courage.

SABISHISUGITE REZU FUZOKU NI IKIMASHITA REPO © Kabi Nagata 2016 / EAST PRESS Co., Ltd.

Le dessin de Kabi Nagata est simple et se concentre sur les expressions de son personnage principal. Ce graphisme épuré proche des « blogs BD » s’explique par une première publication au format numérique pour le site Pixiv en 2015. Le succès sur la toile de cette bande dessinée a motivé une édition papier au Japon, qui s’est vendue à des centaines de milliers d’exemplaires. Cette réussite s’explique essentiellement par la sincérité de son autrice et par les questions de fond que le récit soulève sur la société japonaise. Kabi Nagata rend compte de sa profonde ignorance de son corps et des mécanismes de la sexualité, renvoyant à l’absence d’éducation sexuelle à l’école et au fait que le sujet soit tabou dans les familles. L’intégration des personnes LGBT dans la société japonaise constitue l’autre sujet rampant du récit.

Solitude d’un autre genre est un récit intime de la découverte de soi sans voyeurisme inutile ni pathos exagéré, qui touche le lecteur par sa sincérité et soulève d’importantes questions de société.