Cours et ne te retourne pas
Le 9 décembre 2014
En dépit de quelques irrégularités, Run marque les débuts prometteurs d’un cinéaste en devenir et invite à une prise de conscience sur l’état actuel d’un pays.
- Réalisateur : Philippe Lacôte
- Acteurs : Isaach de Bankolé, Rasmané Ouedraogo, Abdoul Karim Konaté, Alexandre Desane, Reine Sali Coulibaly
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Ivoirien
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 17 décembre 2014
- Festival : Festival de Cannes 2014
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En dépit de quelques irrégularités, Run marque les débuts prometteurs d’un cinéaste en devenir et invite à une prise de conscience sur l’état actuel d’un pays.
L’argument : Run s’enfuit… il vient de tuer le Premier ministre de son pays. Pour cela il a dû prendre le visage et les vêtements d’un fou, errant à travers la ville. Sa vie lui revient par flashes : son enfance avec maître Tourou quand il rêvait de devenir faiseur de pluie, ses aventures avec Gladys la mangeuse et son passé de milicien en tant que Jeune Patriote, au cœur du conflit politique et militaire en Côte d’Ivoire. Toutes ses vies, Run ne les a pas choisies. À chaque fois, il s’est laissé happer par elles, en fuyant une vie précédente. C’est pour ça qu’il s’appelle Run.
Notre avis : Avec Run, le documentariste Philippe Lacôte poursuit son introspection de la Côte d’Ivoire, un pays où il a grandi et auquel il a déjà consacré le documentaire Chroniques de guerre en Côte d’Ivoire, riche de cinq années de travail. Cette production franco-ivoirienne aura connu les honneurs de la sélection cannoise en 2014, intégrant la catégorie un Certain Regard. Lacôte se tourne à présent vers la fiction pour faire défiler devant nos yeux une tranche de vie de la Côte d’Ivoire contemporaine. Son film est avant tout le récit initiatique de Run, jeune homme aux trois vies, ancré dans un pays en crise.
© Banshee Films
Ce parcours jalonné par la violence, entrecoupé de flashbacks, avec pour toile de fond une situation politique préoccupante s’esquisse avec Run pour éclaireur. Un nom qui sonne comme une échappatoire, justifié par des courses, fuyant la véhémence avant de devoir y succomber inexorablement en passant tour à tour d’une vie à l’autre. Nous sommes amenés à suivre sa trajectoire emblématique. De gamin apprenti faiseur de pluie sous les conseils de Maitre Tourou à l’adolescent accompagnateur des exhibitions gloutonnes de Gladys (dit "la mangeuse") en passant par le jeune adulte enrôlé dans un groupe nationaliste ivoirien (les jeunes patriotes) pour finalement le retrouver à assassiner le premier ministre de son pays. Des rencontres qui auraient certainement mérité de donner lieu à plus de substance et de profondeur dans les relations qu’entretiennent les personnages. Le cinéaste a pourtant d’autres beaux atouts dans sa manche, en particulier lorsqu’il articule devant nos yeux son univers poétique où l’onirisme et le réel se chevauchent puis se disloquent. Le cadrage des paysages ivoiriens (forêt, savane rocailleuse, milieu urbain) enrichi par le joli travail du jeune chef opérateur israélien Daniel Miller s’ajuste avec une certaine harmonie au récit.
© Banshee Films
Pour faire passer son message, Lacôte fait étalage d’une mise en scène fournie (Un superbe plan séquence se manifeste lors d’une tentative d’exécution en forêt), même si quelques plans trop contemplatifs apparaissent parfois pesants. Côté casting, il se dégage de l’interprétation d’Abdoul Karim Konaté (Run) une naïveté presque touchante qui appelle à l’empathie, aussi bien pour le personnage que pour son histoire. Le film baisse le rideau sur une citation très forte de l’éternel fugitif : "je vais m’enfuir car c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour défendre ma liberté. C’est pour ça que je m’appelle Run". En dépit de quelques irrégularités, Run marque les débuts prometteurs d’un cinéaste en devenir et invite à une prise de conscience sur l’état actuel d’un pays.
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