Le 6 septembre 2021
Si La nuit des rois est avant tout l’occasion de rendre hommage au chant et aux danses ivoiriens, la confusion du scénario et de la mise en scène nuit à la teneur du récit.
- Réalisateur : Philippe Lacôte
- Acteurs : Issaka Sawadogo, Abdoul Karim Konaté, Steve Tientcheu, Bakary Koné, Digbeu Jean Cyrille, Rasmané Ouédraogo
- Genre : Drame fantastique
- Nationalité : Français, Canadien, Sénégalais, Ivoirien
- Distributeur : JHR Films
- Durée : 1h33mn
- Date de sortie : 8 septembre 2021
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Résumé : Dans la MACA d’Abidjan, l’une des prisons les plus surpeuplées d’Afrique de l’Ouest. Vieillissant et malade, Barbe Noire est un caïd de plus en plus contesté. Pour conserver son pouvoir, il renoue avec le rituel de “Roman”, qui consiste à obliger un prisonnier à raconter des histoires durant toute une nuit.
Critique : Derrière ces grands arbres touffus, il y a les murs épais d’une prison ivoirienne qui contient des milliers d’hommes. La vie s’y organise à l’intérieur, de façon féodale, avec ses codes et rituels propres. En l’occurrence, le jeune homme qui fait ses premiers pas dans la prison se retrouve affublé du prénom de Roman par le chef de la bande, un certain Barbe Noire. Il est désigné alors pour raconter une histoire toute la nuit de la lune rouge, faute de quoi il devra mourir. Chacun des prisonniers est porteur d’un surnom qui lui confère une place particulière dans cet univers, avec par exemple celui qui doit endosser le rôle d’une femme et donc se soumettre aux désirs masculins, ou le fou qui porte sur l’épaule une poule, ou encore celui qui égorge les gens avec une lame de rasoir. Le deuxième long-métrage de Philippe Lacôte emprunte les mêmes voix que sa première œuvre Run, à savoir le conte et l’allégorie pour dire quelque chose de la Côte d’Ivoire.
- Copyright JHR Films
Le propos est donc avant tout politique. D’ailleurs, dans l’épreuve que Roman subit, il est explicitement fait référence à l’arrestation de Laurent Gbagbo. Le cinéaste démontre dans ce corpuscule pénitentiaire, le drame de toute une Afrique qui voit à la tête de la plupart de ses pays, des despotismes succéder à d’autres dictatures. Philippe Lacôte dénonce avec virulence l’impossibilité pour l’Afrique d’échapper au déterminisme de son passé colonial, et la manipulation que les chefs d’État exercent contre le peuples, faute de pouvoir les raccrocher à un mythe fondateur. Même les gardiens de la prison ne parviennent pas à maintenir l’ordre. La pyramide, pour citer un endroit que Philippe Lacôte filme au cœur d’Abidjan, tient par la sauvagerie des uns et des autres, et la légitimité qu’ils accordent à un bourreau, au sacrifice de leur liberté.
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Une fois qu’on a dit cela, force est de constater que le long-métrage ne tient pas toutes ses promesses. La narration s’égare dans une série de danses et chants qui à eux seuls auraient pu constituer l’intérêt central du film. En effet, le réalisateur s’est entouré d’une troupe de comédiens talentueux qui mettent en scène la musique de leur corps et de leur bouche. Mais ces effractions musicales se perdent dans la gesticulation et la confusion et s’effacent au bénéfice d’un récit mal structuré, et plutôt mal mené. On ne peut pourtant que saluer le courage d’un réalisateur indépendant de donner la parole à ces artistes africains, mais il manque sans doute un peu de rigueur et de sobriété dans ce spectacle ivoirien.
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