Route 78 - La chronique BD

L’histoire : 1978. Eric et Patricia sont deux jeunes français qui débarquent sans un sou pour traverser le pays en stop jusqu’à San Francisco, paradis fantasmé des hippies. Ce voyage, initialement prévu en quelques jours, va durer deux mois et va se révéler fertile en épreuves et en rencontres toutes plus rocambolesques les unes que les autres.

Notre avis : avant toutes choses, il convient, pour les plus jeunes de nos lecteurs, de mettre au clair un concept des plus étranges à cette époque où les sites de covoiturage fleurissent et prospèrent sur le net : dans un passé pas si lointain il s’agissait de se poster avec enthousiasme sur le bord d’une route et de lever le pouce dans la bonne direction pour signifier aux automobilistes notre désir de partager leur véhicule jusqu’à la destination voulue, ou du moins de s’en rapprocher. Gratuitement. En comptant sur la bonne volonté et l’esprit de solidarité de l’automobiliste en question.

Par ailleurs, pour ceux qui n’auraient pas des notions très claires en géographie, New York c’est à l’est du continent, sur la façade atlantique. San Francisco c’est à l’ouest, sur la façade pacifique. 4679 kilomètres. Vous commencez à comprendre le problème ?

Nos deux héros arrivent bien à destination, mais de saut de puce en saut de puce, pas toujours exactement dans la bonne direction, de conducteur en conducteur, pas toujours très arrangeants, c’est plus de 10000 kilomètres qu’ils feront en deux mois.

Ce voyage permet donc de dresser le portrait d’une Amérique parfois proche des caricatures, peuplés de "rednecks" bas de plafond remplis de préjugés sur les "mangeurs de grenouilles" et à la gâchette facile, mais aussi et surtout d’une Amérique plus complexe et méconnue, meurtrie par le défaite au Vietnam, dans laquelle les hippies n’existent quasiment plus. En effet, Woodstock, c’était en 1969. Eric et Patricia ont dix ans de retard, et même si leur voyage leur permet d’expérimenter quantité de drogues diverses, l’esprit n’y est plus.

Mais bien qu’ils ne trouvent pas ce qu’ils recherchent, ce voyage et ses difficultés leur permettent de consolider leur couple encore balbutiant. Une belle histoire d’amour en forme de road trip, au parfum d’authenticité encore amplifié par les dialogues en anglais dans le texte, toujours très compréhensibles (et au pire il y a un lexique à la fin).

Un magnifique album, joliment nostalgique, servi par un dessin lâché, parfois caricatural, et mis en couleur avec talent, à savourer au son de la chanson San Francisco de Scott Mc Kenzie.