News : Les romans et récits de Romain Gary, en tout une quinzaine de textes, rejoignent aujourd’hui le panthéon des écrivains distingués par la prestigieuse bibliothèque de la Pléiade. Ces écrits sont édités sous la direction de Mireille Sacotte, professeure émérite à l’Université Sorbonne Nouvelle Paris III et spécialiste de l’auteur. La publication de cette œuvre dans cette collection est, pour certains, une manière de revanche, si l’on considère que Gary n’a pas eu la reconnaissance qu’il méritait de son vivant (il était globalement raillé par ses pairs et méprisé par la Faculté). A l’époque où des critiques formulées par le Nouveau Roman visaient les récits de la tradition littéraire, celle qui privilégient les notions d’histoire et de personnage, Gary passait pour un artiste rétrograde, d’une (soi-disante) orthodoxie narrative qui le disqualifiait. L’appareil critique, qui se déploie à travers cette publication de la Pléiade, réhabilite les innovations formelles proposées par l’auteur, souligne une véritable modernité stylistique et non une éternelle allégeance aux modalités d’écriture héritées du dix-neuvième siècle français, si romanesque.
Les textes de Gary sont contextualisés dans leur époque, à la fois en rapport avec les événements historiques du vingtième siècle, mais aussi en relation avec les contemporains de l’écrivain -Saint-Exupéry, Cendrars, Kessel-, dont les livres ont proposé une réflexion sur le tragique de la condition humaine, pour reprendre le titre du célèbre livre d’André Malraux.
On note avec gourmandise que la gratification récompense un auteur qui, loin de rechercher les récompenses, s’en est moqué en organisant la plus belle mystification littéraire de son temps, avec la création d’un double fictionnel, Emile Ajar, ce qui a permis à Gary de remporter deux fois le prix Goncourt (une fois avec Les racines du ciel, en 1956, l’autre fois, avec La vie devant soi, en 1975). Mais on sait qu’au-delà d’une farce dirigée à l’intention du monde littéraire, et révélée dans un ouvrage posthume Vie et mot d’Emile Ajar (1981), le geste de Gary marquait une véritable croyance dans ce que peut la fiction, au-delà des textes où elle s’épanouit.