Le 19 août 2021
Malgré la beauté de la langue, souvent rattrapée par le quotidien de l’héroïne et par la violence qui la cueille, ce roman peine à embarquer entièrement le lecteur, le laisse hors de la tête de Tara, malgré la narration à la première personne, hors du contexte, si floue.
- Auteur : Nathacha Appanah
- Collection : Blanche
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman
- Nationalité : Mauricien
- Date de sortie : 19 août 2021
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : « Elle ne se contente plus d’habiter mes rêves, cette fille. Elle pousse en moi, contre mes flancs, elle veut sortir et je sens que, bientôt, je n’aurai plus la force de la retenir tant elle me hante, tant elle est puissante. C’est elle qui envoie le garçon, c’est elle qui me fait oublier les mots, les événements, c’est elle qui me fait danser nue. » Il n’y a pas que le chagrin et la solitude qui viennent tourmenter Tara depuis la mort de son mari. En elle, quelque chose se lève et gronde comme une vague. C’est la résurgence d’une histoire qu’elle croyait étouffée, c’est la réapparition de celle qu’elle avait été, avant. Une fille avec un autre prénom, qui aimait rire et danser, qui croyait en l’éternelle enfance jusqu’à ce qu’elle soit rattrapée par les démons de son pays.
Critique : Nathacha Appanah choisit cette fois une narratrice pour relater son histoire. Directement plongé dans ses pensées, ses névroses et ses hallucinations, le lecteur découvre peu à peu ce qui a rendu Tara étrangère à elle-même – ce qui l’a, en réalité, rendue à elle-même après des années de mensonge et de secret, d’enfouissement profond de sa personnalité et de ses souvenirs, trop douloureux pour être ressassés. À la mort d’Emmanuel, son mari, elle se laisse submerger par la vague de sa mémoire, les digues cédant pour la rendre à celle qu’elle était bien avant l’exil. Le présent s’efface pour laisser place à l’enfance, si douce et achevée si brutalement, sous le soleil brûlant d’un pays lointain jamais nommé, léché par la mer et par l’ombre des palmiers, imprégné de l’odeur des fleurs de frangipaniers et des mangues douces-amères.
Malgré la beauté de la langue qui flamboie ici et là, souvent rattrapée par le prosaïsme, il manque un contexte à Rien ne t’appartient pour qu’il déploie toute sa force d’évocation, tout l’éventail des sensations qui portent le récit – le sol battu par les talons pendant cette danse, le bharatanatyam, le jus des fruits qui coule dans la gorge, le parfum envoûtant de cette contrée, sans doute mélange de plusieurs colonies, entre Asie et Europe toute puissante, envahissante. La dureté arrive, empreinte de l’auteure qui jamais ne livre un récit suave – à cet égard, Le ciel par-dessus le toit venait comme une note de tendresse dans une bibliographie marquée par une âpreté certaine. Le destin s’acharne contre son héroïne, décidément porteuse du baiser du diable tant la malchance la poursuit. Pourquoi, serions-nous en droit de nous demander ? Pourquoi une telle existence, pourquoi une telle violence ? Relier cette vie, sans doute métaphore de bien des chemins, à un nom de pays, à l’Histoire, aurait peut-être effacé entièrement cette brume qui nimbe Rien ne t’appartient, auréolant la tête d’une femme qui a tout vécu et tout perdu, brouillant ses traits alors que l’emploi de la première personne du singulier aurait dû nous la rendre familière, l’ouvrir à l’œil scrutateur du lecteur.
Nathacha Appanah - Rien ne t’appartient
Gallimard
160 pages
140 x 205 mm
16,90 euros
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