Le 29 janvier 2019
A tous ceux qui croient encore que les mathématiciens ne sont ni des rêveurs ni des créatifs, la compagnie Les Rémouleurs offrent un spectacle onirique et poétique, une expérience immersive qui ne laissera aucun spectateur indifférent.
- Plus d'informations : Le site officiel
Résumé : 1988, Lettre d’Alexandre Grothendieck à l’Académie Royale des Sciences de Suède. « Je suis sensible à l’honneur que me fait l’Académie Royale des Sciences de Suède en décidant de m’attribuer le prix Crafoord pour cette année, assorti d’une somme importante. Cependant, je suis au regret de vous informer que je ne souhaite pas recevoir ce prix pour les raisons suivantes ». Ainsi commence le spectacle « Rêves et motifs » mis en scène par Les Rémouleurs, qui nous invitent à voyager au fil de l’esprit d’A. Grothendieck, l’un des mathématiciens les plus étonnants du 20ème siècle. Le livret est composé d’extraits issus de Récoltes et semailles, recueil de plus de 1000 pages, prochainement publié à titre posthume, l’auteur étant mort en 2014. Anne Bitran et Florence Boutet de Monvel accompagnées par la troisième voix d’un violoncelle, incarnent le dialogue intérieur de l’auteur qui développe des thèmes intimes et philosophiques tels que l’enfance, le rêve, le processus de recherche, l’avenir de l’humanité, la mort, les émaillant d’installations spécifiques à la compagnie : cyclope, miroirs d’eau, camera Lucida, marionnettes de papiers froissés.
Notre avis : Assister à une représentation des Rémouleurs, c’est entrer dans un monde parallèle qui oblige à changer de paradigme : la réalité s’efface devant le rêve, le texte se raconte mais ne s’explique pas laissant chacun libre de l’interpréter. La scénographie semble inspirée de l’art brut. Des machines improbables, l’animation d’objets inertes, des artifices ingénieux sont la marque de la compagnie. Clairs-obscurs dignes des peintres hollandais, ombres chinoises, miroitements, réverbérations, la lumière est dans ce spectacle, déclinée dans toutes ses apparences et dimensions. Le violoncelle, sublimé par les suites de J.S. Bach (4ème et 5ème suites pour violoncelle), sait aussi émettre des sons plaintifs, des bruissements, des grincements pour accompagner le texte. L’espace visuel et sonore est totalement investi, habité.
Crédit photo : Ania Winkler
A. Grothendieck est ici présenté, tel un artiste, soumis aux doutes, guidé par ses rêves, intuitions et fulgurances, nourrissant sa recherche de sa propre histoire, de ses expériences et de son rapport au monde, parfois adulé, souvent incompris. Au cours de la narration, le mélange de genres, art brut, science, poésie, lecture, musique, jeux de lumières participent à illustrer les méandres de l’esprit de ce génie hors norme et atypique. Le mathématicien cherche, doute, les sons sont alors grinçants, égratignent, puis s’adoucissent. Des ondes lumineuses projetées sur toutes les parois, incarnent la souplesse de l’esprit. Un film de savon s’étire, se déploie entre quatre fils, miroir irisé dans lequel les artistes comme le spectateur se reflètent, faisant voyager leurs pensées vers un ailleurs pour mieux aboutir leur réflexion. Sommes-nous l’Orphée de Cocteau prêts à traverser le miroir ? Puis c’est le temps du jeu, de l’enfant créatif : des voiles dessinent des espaces puis les modifient, reflétant les projections. Les marionnettes en origami faites de papier froissé et huilé ponctuent le spectacle, se transformant pour incarner tour à tour l’homme du présent, celui du futur ou la définitive envolée de l’âme. Grâce à cet artifice géométrique et selon le grand principe universel selon lequel tout se transforme, rien ne se perd. Le choix de Bach n’est lui non plus, pas anodin. Ne dit-on pas de sa musique qu’elle est composée sur des bases mathématiques ? Et pourtant, cadencée sur le battement du cœur humain, elle peut offrir la sérénité comme générer de puissantes émotions.
Crédit photo : Brigitte Pougeoise
Les mathématiciens seraient-ils donc des créatifs qui utilisent les théorèmes et les nombres pour recréer, repenser le monde et le représenter ? A. Grothendieck serait-il un artiste cherchant à voir de l’autre côté du miroir, passant de la réalité à l’abstraction ? Que l’esprit mathématique peut être poétique conté par les Rémouleurs !
A ne pas manquer, le prochain spectacle de la compagnie « les derniers géants », qui sans aucun doute nous émerveillera et nous transportera dans un nouvel univers poétique et inspiré.
Rêves et motifs, Compagnie Les rémouleurs, au théâtre de la Reine Blanche Paris 18eme arrondissement
Manipulations et jeu : Anne BITRAN et Florence Boutet de Monvel
Violoncelle : Raphael Ginzburg et Eric-Maria Couturier (en alternance)
Mise en scène : Nicolas Struve, Anne BITRAN et Florence Boutet de Monvel
Inventions lumineuses, scénographie et création lumière : Olivier Vallet et Etienne Charles
Régie lumière : Gallia Vallet
Textes : Récoltes et semailles de A. Grothendieck
Dessins : Alfred Kubin
Musique : J.S. Bach, Suites pour violoncelle N°4 et 5
Crédit vidéo : Marion Friedlander
Galerie Photos
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Aschtroumpheubeubleuh 3 février 2019
Rêves et motifs, Compagnie Les rémouleurs, au théâtre de la Reine Blanche Paris 18
Bonsoir,
Une erreur s’est glissée dans votre article : A. Grothendieck est mort en 2014 et non en 2012.
Cordialement,
Aaaaschtroumpheubeubleuh !!!!