Woyzeck - La chronique BD

Voici donc Woyzeck, un recueil de nouvelles de Dino Battaglia, adaptation de quatre récits fantastiques de la littérature romantique allemande. L’occasion de rappeler l’immense talent de l’auteur, disparu en 1983, et de comprendre certains de ses héritiers contemporains. Le livre accueille donc Hoffmann, Chamisso et Büchner au sein de ses planches. Olimpia (Hoffmann) raconte la folie d’un homme amoureux d’une automate. La Maison déserte (Hoffmann) reprend le thème de la demeure hantée. Peter Schlemihl (Chamisso), est damné pour avoir vendu son ombre. Et Woyzeck (Büchner) nous conte les brimades et la démence d’un soldat simple d’esprit.

Battaglia évite habilement le piège de l’illustration, dans lequel trop de bandes dessinées se sont souvent fourvoyées, pour reprendre à son compte l’atmosphère décrite par les écrivains et leur offrir une transposition graphique magistrale. Le dessin possède l’étrangeté des décors brumeux, et les trames blanches, tel du plâtre craquelant, lui octroient une temporalité singulière qui rappelle le travail d’Eddie Campbell sur la société victorienne. Par moments le cadre du dessin, voire le décor, disparaissent, conférant à l’ensemble ce sentiment étrange de flottement qui guide le protagoniste évoluant en marge de la raison. Et lorsque le contraste s’accentue, que les âmes et les monstres se rejoignent en une danse éperdue, c’est à Murnau que l’on pense. Alors surgit l’évidence : Battaglia est le plus juste descendant de la tradition fantastique classique, à la fois l’un des derniers témoins romantiques et l’un des rares légataires expressionnistes.

Après Maupassant ou La Momie, de nouvelles publications du maître italien suivront, chez le même éditeur, où nous apprécierons ses autres déclinaisons du conte et du fantastique. Un important travail de relecture de ses obsessions, de ses parti-pris formels, de ses évolutions, qui éclaire d’un jour nouveau le monde du neuvième art.