Le 16 septembre 2004
Bonjour Joël, peux-tu te présenter ?
Bonjour. Je vais essayer de faire court. J’ai fait une école d’Arts Appliqués, l’École Boulle, où j’ai passé les plus belles années de ma vie. Les profs d’expression plastique et d’histoire de l’art y sont sans doute les meilleurs du monde.
Je pars ensuite en Afrique de l’Est pour une coopération en Centre Culturel. Je suis fasciné par la Corne d’Afrique. Je fais ensuite un petit crochet de 4/5 ans par Rome en Italie pour faire des génériques en dessins animés pour des émissions télévisées (grotesques) de la RAI, mais géniales à concevoir et à réaliser.
Je rentre finalement à Paris, je fais de la communication visuelle pour différentes agences, je me marie (avec une superbe anglaise), elle me donne trois enfants magnifiques à qui j’essaye désespérément de faire lire de la BD. Voilà, presque 20 ans de ma vie en 8 lignes. J’ai bon ?
La bande dessinée est un vieux rêve chez toi ?
Un vieux rêve, oui. Disons qu’au risque de passer pour un vieux con ou de ressortir les vieux poncifs, j’ai toujours fait de la BD. Ma première, ça avait été pour un petit copain malade qui ne pouvait plus venir à l’école, je lui dessinais des histoires avec des bulles pour lui faire passer le temps. Après c’est avec la BD que j’ai le mieux dragué les filles.
Et puis quand je suis rentré d’Afrique, plus tard, j’ai senti que c’était le moment de franchir le pas, de présenter mon travail à un éditeur. Je me sentais moins nul, plus sûr de moi. En Italie, Mauro Paganelli, le patron de la maison d’édition et du magazine « Il Grifo » qui publiait Manara, Giardino, Andrea Pazienza, Liberatore... et des auteurs français comme Loustal ou Moebius m’a donné ma chance. J’ai fait une quinzaine de petites histoires sur le magazine avec pour toile de fond l’Afrique de l’Est. J’ai fait une autre série sur les bruits de couloir dans les immeubles romains. Quelques collectifs aussi pour Amnesty International ou des hommages à Fellini et Nanni Moretti. Et puis je suis rentré en France, c’était un peu une question d’argent.
Tu sembles fasciné par l’Afrique, si l’on se réfère à ton premier album, Fikrie... Tu as fait des voyages sur place ?
Comme je le disais, j’y suis resté un an et demi pour une coopération. J’étais basé à Djibouti, mais j’ai eu la chance de faire des petites virées en Éthiopie malgré le climat de guerre. C’est vrai que les images et les expériences que j’ai accumulées là-bas sont indélébiles. J’aurai toujours ce bout d’Afrique accroché à moi.
Dans ton album, tu effleures un peu ce qu’est la condition de la femme à Djibouti, en Ethiopie... Peux-tu en dire plus ?
J’ai très peu connu les femmes djiboutiennes, intimement parlant je veux dire. En fait, je suis très mal placé pour parler de leur condition. Les musulmanes d’avant la guerre du Golfe étaient mutilées, cousues, excisées par tradition. Elles le sont toujours, mais maintenant elles sont voilées et ne sortent quasiment plus de chez elles. Mais il ne faut pas généraliser, même si cela me révolte. Fikrie, l’héroïne de l’album (qui est bien réelle) est Éthiopienne, chrétienne et libérale.
Arthur Rimbaud, qui lui aussi a chanté les beautés africaines, semble avoir été un grand inspirateur dans ton œuvre... A-t-il été une simple source d’inspiration ou est-il plus que ça ?
C’est au Centre Culturel « Arthur Rimbaud » que j’ai travaillé lors de mon séjour à Djibouti, baigné dans la culture de « L’homme aux semelles de vent ». Mais plus que ses poèmes, que j’admire bien entendu, c’est la vie de l’homme que j’ai aimée. À travers ses nombreuses correspondances relatives à ses voyages commerciaux entre Tadjourah et l’Éthiopie, j’ai pu effleurer les sentiments qu’il a pu avoir. Rimbaud a été un des rares Européens à se débattre dans ces milieux hostiles tant au niveau du climat que par la dureté des populations qu’il a rencontrées.
Comment définirais-tu ton style ?
C’est une question assez difficile. Certaines personnes de passage au dernier Festival de BD de Blois (j’y avais deux expositions de planches originales et d’illustrations) ont dit que j’étais le fils spirituel de Loustal et de Ferrandez (!!!). Sans vouloir me comparer à leur immense talent, ils ont effectivement considérablement influencé mon travail, ce sont des maîtres de l’aquarelle, ce sont eux qui m’ont donné ce goût de la couleur spontanée qu’impose cette technique. Je me plais à penser que mon style se rapprocherait un peu de ces génies (avec un récit à la Pratt ?!).
Quelle est ta technique ?
Je travaille essentiellement en couleur directe. L’aquarelle est mon terrain de prédilection. Crayonnés, table lumineuse et mise au propre au feutre (j’en ai trouvé des super qui ne bavent pas quand on passe le pinceau dessus !) puis la couleur à l’aquarelle. Je bosse énormément dans ce sens dans mes carnets de voyage et bien sûr sur mes planches, en BD et en illustration.
J’essaye cependant d’autres choses, je suis en ce moment sur un projet où je mêle la technique du crayon, mis en couleur en « bichro » à l’ordinateur (plus spontané, un peu à la Cailleaux dans « Le troisième thé », que j’adore) à des aquarelles scannées.
Quels sont tes projets ?
Je suis en train de finaliser un album chez Paquet. Sébastien Vassant, le responsable de la nouvelle collection « Discover » m’a fait confiance sur un projet très personnel. J’en profite pour le remercier. Les expériences en Bichro n’ont pas le vent en poupe. Le livre devrait être prêt pour Angoulême fin janvier si tout va bien, inch-allah.
Et puis suite à l’album « Fikrie » aux éditions La Boîte à Bulles, le Centre Culturel Français Arthur Rimbaud de Djibouti m’invite 15 jours début février 2007 en « résidence » pour une aventure à la Kessel. L’idée est de partir en caravane sur les traces de l’auteur de « Fortune Carrée » et d’en retracer le parcours à travers des carnets de croquis et d’aquarelles. Vont s’associer au projet des photographes et des étudiants. J’ai vraiment hâte de retourner là-bas.
Joël, merci.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.