La linguiste et les extraterrestres
Le 23 février 2021
Exégèse spielbergo-kubrickienne habile, ce mélodrame fantastique prouve une nouvelle fois toute la polyvalence du cinéma de Denis Villeneuve. Une réussite malgré une certaine indolence dans l’épilogue.
- Réalisateur : Denis Villeneuve
- Acteurs : Forest Whitaker, Jeremy Renner, Amy Adams, Michael Stuhlbarg, Tzi Ma, Mark O’Brien
- Genre : Science-fiction
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Sony Pictures Releasing France
- Durée : 1h56mn
- Date télé : 12 juillet 2024 22:35
- Chaîne : Paris Première
- Box-office : 866.769 entrées
- Titre original : Arrival
- Date de sortie : 7 décembre 2016
- Festival : Festival de Venise 2016
Résumé : Le monde a été envahi par des extraterrestres. Le gouvernement américain embauche alors un linguiste afin qu’il déchiffre leur langage et découvre leurs intentions.
Critique : Une forme noire, titanesque et oblongue, lévite verticalement au-dessus de la surface de la Terre. En dépit de ses courbes, cette structure extraterrestre sibylline suggère inéluctablement le monolithe de 2001, l’Odyssée de l’espace. À la différence qu’ici avec Premier contact, l’intrigue se propose d’en pénétrer littéralement les arcanes. Denis Villeneuve affiche sans rougir un certain fétichisme à l’égard de Stanley Kubrick. Manière de rappeler peut-être que depuis 1968, plus aucun film de science-fiction hormis peut-être Solaris (Andrei Tarkovski, 1974) et dans une moindre mesure Alien (Ridley Scott, 1979) et Under the Skin (Jonathan Glazer, 2014) n’a au fond esquissé autre chose que l’exégèse du chef-d’œuvre de l’Américain. L’heure n’est donc plus au bouleversement cinéphilique mais au commentaire. L’énigme métaphysique laissée par 2001 permet ici l’ouverture d’une boîte de Pandore : le docteur Louise Banks, experte en linguistique, s’introduit avec une équipe de spécialistes au sein du curieux vaisseau spatial - on notera l’accointance avec Alien, autre film dialoguant intimement avec 2001. Sa mission, établie par le gouvernement américain, consiste à déchiffrer le langage des créatures venues d’ailleurs pour comprendre leurs aspirations. Cette rencontre potentielle avec une nouvelle altérité singe aussi en creux les Rencontres du troisième type (Steven Spielberg, 1978) et autres Contact (Robert Zemeckis, 1997). Même si d’un point de vue plus strictement artistique, l’héritage est à chercher du côté de Jonathan Glazer et son kubrickien - encore - Under the Skin.
- Copyright Sony Pictures Releasing France
Mais au-delà de l’herméneutique kubrickienne, Denis Villeneuve poursuit ici ses mantras métaphoriques. Après le motif de l’arbre pour la filiation dans Prisoners, celui de l’araignée emprunté à Louise Bourgeois dans Enemy, ou encore celui du trou noir en guise de cas de conscience dans Sicario, le Canadien développe une nouvelle marotte : le palindrome. A l’image du fameux mot que l’on peut lire dans un sens comme dans l’autre, Premier contact dispose d’une structure réversible. C’est ce même dispositif qui va permettre à Louise, son héroïne - Amy Adams, pugnace et écorchée telle Emily Blunt dans Sicario - de potentiellement trouver la rédemption là où tout semble perdu pour elle. Parce que Premier contact puise comme tout film fantastique sa rhétorique dans l’intime et la résolution d’un traumatisme psychologique, ces douze vaisseaux se posant sur la surface de la Terre ne sont que l’image de la blessure de Louise. Elle qui a perdu un être cher perçoit le monde qui l’entoure comme un univers dévasté, au bord de la fin du monde. C’est donc à elle et à elle seule de résoudre un problème d’envergure mondiale : trouver un moyen de communiquer avec le supposé envahisseur. Tous ces plans d’espaces internationaux occupés par des vaisseaux titanesques qui flottent dans l’air représentent ainsi le symptôme d’une contamination mentale - voir par exemple les surimpressions entre l’ovale du visage de Sophie et celui de la structure du vaisseau. Denis Villeneuve en profite cependant pour rapprocher cette difficulté personnelle d’un bouleversement géopolitique : outre la possible imminence d’un conflit interplanétaire, se profile dans le même temps toutes les théories du complot possibles et imaginables. Comme Louise tentant de s’extirper de son deuil et de retrouver goût en l’existence, notre planète se retrouve en proie à une situation cataclysmique.
- Copyright Sony Pictures Releasing France
Science-fiction, surnaturel, thriller, mélodrame… Villeneuve brasse ici comme souvent de nombreux genres. La combinaison fonctionne à merveille, épaulée qu’elle est par une réalisation splendide - même si la photographie de Bradford Young ne vaut pas celle de Roger Deakins (Prisoners, Sicario…). Très loin du sérieux et du superfétatoire de Christopher Nolan, dont quelques-uns des films peuvent par moment faire penser à Premier contact, le cinéaste ne néglige pas ses personnages et leur apporte même de la douceur. En cela, la dynamique rappelle celle du malickien Jeff Nichols. A noter que comme à l’accoutumée, l’écriture fait la part belle aux archétypes : la figure du jeune soldat assistant les séances de Louise avec les extraterrestres, de même que l’agent Halpbern, est par exemple celle d’un Iago, celle d’un homme ayant, par peur, perdu foi en l’altérité.
De quoi polariser l’angélisme du scientifique Ian Donnelly - drolatique et affectueux Jeremy Renner. Mais aussi brillant soit ce huitième long métrage de Denis Villeneuve, aussi astucieuse soit sa direction artistique - mention spéciale pour les vaisseaux, les aliens-poulpes à la The Mist et leur encre en guise de langage -, Premier contact présente quelques signes d’essoufflements eu égard par exemple à Sicario. La faute certainement à un manque de renouvellement de la part du cinéaste, qui ne fait finalement qu’articuler à nouveau ses obsessions, et à un certain appesantissement dans le final. Avec un soin minutieux et une facilité enfantine à jongler entre la grandiloquence du film d’invasion extraterrestre et des enjeux plus resserrés - la famille brisée -, Denis Villeneuve démontre néanmoins s’il en faut une nouvelle fois toute l’étendue de ses dispositions de metteur en scène.
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franckparis 11 décembre 2016
Premier contact - Denis Villeneuve - critique
C’est de la désinformation total...les vrais extraterrestres ne sont pas des grosses pieuvres nul,comme il a était décrit dans le film....ça se trouve que des gouvernements on déjà établie le contact avec les vrais extraterrestres...les extraterrestres sont humanoïdes avec une apparence différente de la notre.et il faut savoir qu il existe plusieurs races extraterrestre avec deferente apparence...pour moi le scénario du film est très bon pour des dessins animés .....
Marla 23 décembre 2016
Premier contact - Denis Villeneuve - critique
La critique semble unanime sur ce dernier Villeneuve. Pourtant, la seule originalité du film a été copiée ailleurs : http://bit.ly/2hjsciX
Celuiquiditvrai 25 décembre 2016
Premier contact - Denis Villeneuve - critique
Elle était pas en deuil, quand ils sont arrivés... Ce sont des visions du futur. Et bon, la forme du vaisseau, elle est juste originale mais la comparaison avec le monolithe de 2001 n’est pas fort convaincante, j’veux dire que le monolithe du filme "2001 l’odyssée de l’espace" a une symbolique très spirituelle... Il offre une évolution aux hommes, il serait comparable à Dieu alors que dans "Premier contact", ils apportent un savoir effectivement mais ils auront si j’ai bien compris besoin de l’humanité dans 300 ans et j’ai du mal à imaginer une représentation divine avoir "besoin" de l’aide des hommes.
Le monolithe à façonner l’homme alors que l’éctapode(?) réclame son aide et a même été tué dans une explosion. °-°
Celuiquiditvrai 26 décembre 2016
Premier contact - Denis Villeneuve - critique
Si non, franckparis, ton commentaire, il était plutôt dénué de sens, c’était pas le best de la SF mais c’est un bon film. Et puis sérieusement, de la désinformation ? C’est pas un film documentaire, mec ! Primo, t’as jamais vu d’extraterrestre. Secundo, le gars qui les a imaginé non plus.
Moi aussi je crois aux extraterrestres et je n’ai rien vu d’autres que des ovnis mais je reste sceptique. L’idée de l’extraterrestre humanoïde elle est plausible comme bien d’autres. L’apparence reptilienne aussi, pourquoi pas, il pourrait y avoir des insectoïdes ressemblants à des scarabées et d’autres à des cafards. Donc des pieuvres à 7 pieds, pourquoi pas ?
Nouanda 22 janvier 2017
Premier contact - Denis Villeneuve - critique
Bonjour,
"Parce que Premier Contact puise comme tout film fantastique sa rhétorique dans l’intime et la résolution d’un traumatisme psychologique, ces douze vaisseaux se posant sur la surface de la Terre ne sont que l’image de la blessure de Louise. Elle qui a perdu un être cher perçoit le monde qui l’entoure comme un univers dévasté, au bord de la fin du monde. C’est donc à elle et à elle seule de résoudre un problème d’envergure mondiale : trouver un moyen de communiquer avec le supposé envahisseur. "
Vous n’avez absolument rien compris au film. Ou alors vous faites la présentation d’une critique volontairement floue et sans révélation, pour laisser au lecteur/spectateur la surprise de la compréhension de l’histoire. Vous faites une analyse mathématique de l’oeuvre sans effleurer le véritable sens de ce film et de sa structure. De votre point de vue, on dirait que tout est linéaire. Alors que justement, c’est le concept de la linéarité elle-même qui est remis en question dans cette oeuvre.
birulune 12 octobre 2017
Premier contact - Denis Villeneuve - critique
Génial. Les commentaires pas le film. J’ai pas fini de le regarder tellement il est ennuyeux et pourtant j’ai fait de la linguistique. Le film arrive à planter un vrai sentiment de vraisemblance avec l’idée du fossé langagier inhérent à une rencontre avec un individu d’une autre planète. Et pourtant. Prétexte à montrer que les peuples terriens sont désunis, même devant une possible menace qui nous concerne tous ; au lieu de faire tomber nos frontières on augmente esprit de compétition et peur fratricide. C’est quoi l’expression ? Machin non nulle ? 2001 noyait le spectateur dans une démonstration entièrement pompé sur le sacre religieux ( lenteur hypnotique des plans, des gestes, comme un curé sacrant un obélisque) et là non. Lenteur ne veut pas dire profondeur. On les voit galérer comme des étudiants devant un devoir trop difficile. Aucun plan consacré à la fascination exercé par l’E.T a part un rapide main contre tentacule via une paroi en plexi.
Je le finis et je dis ce que j’en pense vraiment
birulune 17 octobre 2017
Premier contact - Denis Villeneuve - critique
Et bien je retire tout ce que j’ai dit ! J’ai fini le film et il est génial. Rien de plus a ajouter. Tout simplement génial.