Dune : Deuxième partie - Denis Villeneuve - critique

Critique : Il est des films dont on attend désespérément la sortie, comme s’il allait se jouer sur les écrans ou une révolution cinématographique ou un ratage phénoménal. La première partie avait déjà excité les foules dans un spectacle hors de toute proportion. Cette fois, dès les premières secondes du long-métrage où la musique vertigineuse introduit le spectateur dans une longue et jouissive mise en abîme écologique et sociologique, couplée de la voix métallique et puissante d’un monstre assoiffé de pouvoir, on sait que l’expérience sera absolument magnifique. On avait déjà peu vu sur les écrans depuis longtemps un tel artifice de sons, images et impressions avec Le premier volet , mais Denis Villeneuve en rajoute dans la force du propos. Le cinéaste invite son spectateur dans une fresque baroque et envoutante où se joue, pendant presque trois heures, le destin de notre propre humanité face à la pénurie des ressources énergétiques, l’explosion des guerres tribales pour l’eau et la nourriture, sous couvert de la montée extraordinaire des fondamentalismes religieux. Ce Graal que les peuples recherchent dans cet épice est tout à la fois le symbole d’une quête initiatique, la promesse d’un avenir, la possibilité d’une paix durable entre les hommes mais surtout l’hypothèse d’un monde qui va se déchirer sous couvert de luttes de pouvoir et d’idéologie populiste galopante.

Copyright 2023 Warner Bros. Entertainment Inc.

Dune : Deuxième partie est un film qui ne se raconte pas comme le premier volet d’ailleurs. On assiste avec admiration à ce déferlement incessant de paysages somptueux, de machineries infernales et de batailles célestes, avec parfois des vers immenses qui se chevauchent à travers le désert. On est loin des guerres spatiales de Star Wars. Villeneuve engage une sorte de fable spirituelle où il est question de l’initiation d’un jeune homme promis au pouvoir, de la lutte des peuples pour la survie, avec en arrière-plan la montée inquiétante des fondamentalismes religieux qui empêchent les individus de penser. Il s’agit ici d’un monument de couleurs et de musique qui réinvente la manière de retracer au cinéma des univers de science-fiction. Le cinéaste évite la surenchère des effets spéciaux pour se concentrer sur la restitution d’une guerre qui semble égale à ce qui se passe dans nos sociétés contemporaines ou ce qui a eu lieu en Europe au moment des conflits entre catholiques et protestants. D’ailleurs, les paysages sont empruntés à ce que l’on connaît déjà sur la planète : le désert et le ciel qui dévorent peu à peu la verdure. Le réalisateur convoque ainsi tous les éléments naturels dans une sorte de tragédie ésotérique où les valeurs d’humanisme, la mise en perspective de l’avenir de notre planète, le devoir de clairvoyance face à l’aveuglement dogmatique sont valorisés.

Copyright 2023 Warner Bros. Entertainment Inc.

Timothée Chalamet est un acteur qui d’un film à l’autre révèle son indéniable talent. On n’aurait pas cru qu’il puisse se coller au personnage complexe de Paul avec autant de maturité et d’aisance. Il incarne un être sombre, qui apprend à revêtir les armes pour sauver son peuple et faillit peu à peu dans le vertige du pouvoir. Il y a dans ce garçon une figure presque christique, au point qu’il est confondu par une partie de ses alliés à un prophète capable de voir l’avenir. D’ailleurs, Villeneuve le confronte au risque d’une guerre sainte qui trouverait ses racines dans l’invocation dangereuse d’un Dieu qui se cacherait sous les traits d’un gamin. Toute la réflexion de Paul demeure de savoir s’il doit s’engager dans cette guerre comme un leader ou s’il doit renoncer au pouvoir pour laisser les peuples décider de leur destin. Naturellement, il choisit le terrain de la lutte, aux côtés de sa mère, avec laquelle il entretient une relation très ambiguë, à la limite de l’inceste, ainsi qu’aux côtés d’une jeune combattante dont il est amoureux. Car Dune : Deuxième partie se laisse appréhender comme un véritable objet de délectation où l’on se laisser aller à la magie de mondes éloignés qui pourraient ressembler à nos propres univers.

Copyright 2023 Warner Bros. Entertainment Inc.

On peut craindre le renfort de publicité pour un film de cette nature. Au contraire, Dune : Deuxième partie doit se laisser regarder sans a priori. C’est une aventure philosophique, esthétique et sensible, qui comblera tous les passionnés de science-fiction et de tous les âges. C’est surtout l’occasion pour Denis Villeneuve de s’affirmer de nouveau comme l’un des plus grands réalisateurs internationaux du moment. On a déjà hâte du troisième épisode.