Littérature francophone
Le 21 août 2002
Petit bijou de finesse et d’humour fardé de langueurs nostalgiques.
- Auteur : Henri Calet
- Editeur : Le Dilettante
- Genre : Roman & fiction
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Poursuivant sa réédition des œuvres d’Henri Calet, Le Dilettante [1] publie Poussières de la route. L’écrivain se mue ici en journaliste pour nous raconter son époque, celle de l’immédiat après-guerre.
"1 m 64 en chaussettes. Ce n’est pas beaucoup, je le sais." Ainsi soliloque Raymond Théodore Bartelmess, alias Henri Calet. Nous sommes en 1955, un an avant sa mort. Il vient de passer un examen de santé qu’il narre en détail pour Le Figaro littéraire. Tout Calet est dans ce texte, L’Etat-mère : verbe facétieux, œil acéré, vision narquoise de lui-même. Et pour nous, lecteurs, l’occasion de poser notre regard sur un dispensaire de quartier d’il y a cinquante ans. C’était donc ça, la France ?
C’était ça. Vu par un petit binoclard grassouillet qui mettait sa plume d’écrivain au service des plus grands titres de la presse d’après-guerre : Combat, La Gazette des lettres, Les Nouvelles littéraires, Elle... Calet traîne ses guêtres, ouvre grand les yeux et les oreilles et couche sur le papier une foule de petits détails qui, mis bout à bout, constituent la peinture d’une époque. Nous voici dans une France où les Allemands sont encore traités de boches. Elle peine à relever ses ruines. Les stigmates des bombardements défigurent Orléans, Sully, Tours : "les plâtras, les tas de pierres, les baraquements" comme points de repère d’un voyage le long de la Loire en 1955. Transports en commun poussifs, laissant les voyageurs en perdition, à la nuit tombée, sur une départementale normande. Campagnes électorales aux méthodes expéditives : tomates et œufs pourris pour Daladier en 1945 dans le Vaucluse. Et la modernité qui pointe son nez sous la forme des sens interdits, du bikini et de l’étalement des vacances...
Faits microscopiques, apartés, digressions, poussières glanées le long de la route par un flâneur impénitent, transformés en autant de petits joyaux scintillants. Bonhomie, détachement de bon aloi de celui qui a "réussi jusqu’à présent à vivre sans avoir à juger un être humain, ni surtout à le punir..." et pour qui le bonheur se résume à "une fine poussière d’ennui, mais un ennui d’une qualité particulière", saupoudré de nostalgie, agrémenté d’un ton pince-sans-rire. Badaud goguenard et compatissant, Henri Calet nous emmène dans une bien plaisante machine à remonter le temps.
Henri Calet, Poussières de la route, Le Dilettante, 2002, 319 pages, 18,50 €
[1] A découvrir également, deux autres œuvres d’Henri Calet publiées aux éditions du Dilettante : Un grand voyage et Le mérinos
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