Les Ogres-Dieux Demi-Sang - La chronique BD

Étrange, bluffant, retournant, les qualificatifs manquent pour décrire l’univers sombre, qui renoue avec les côtés horribles des contes d’antan, du duo Hubert et Gatignol. Après Petit, Demi-Sang vient continuer un album déjà applaudi en 2015, continuant cette recette de mélange des genres, où l’intrigue de Cour digne du Versailles de La Bruyère côtoie l’atmosphère du conte de Grimm, sans oublier un soupçon de gothique romantique digne des Sambre d’Yslaire et Balac... Un très beau mélange, tout en noir et blanc, fin et élégant, qui donne à voir la vie des chambellans humains qui entourent une race de géants élevés au rang de dieux, peu loquaces mais terriblement cruels. Une situation inférieur qui n’empêche pas l’humanité de conserver sa propre hiérarchie et ses codes.

C’est dans une ambiance très courtisane, pas loin également du ton libertin d’un Laclos et de ses Liaisons dangereuses, que le jeune Yori va grandir. Fils bâtard du roi, il est finalement écarté avec sa mère, la maîtresse pourtant favorite, lorsqu’il se rebelle. Finalement, il va commencer à gagner sa vie, et à grimper dans l’échelle sociale, en jouant de son physique avantageux, n’hésitant pas à vendre son corps... Quitte à en perdre son âme, autant essayer d’aller jusqu’au plus haut, aux pieds des ogres dieux si possible. Si les flashbacks rythmaient déjà la trame, le récit est toujours entrecoupée de belles pages qui expliquent à la manière d’un ancien livre d’Histoire les biographies des personnages illustres qui jalonnent le parcours de Yori. Une généalogie qui fait la part belle aux anecdotes piquantes, mais toujours dans une atmosphère inquiétante, louche et très éloignée du genre merveilleux qui est attaché aux mondes des contes. Les morts sont banales, les destins plutôt tragiques, les fins sans éclats, et l’album entier réussit à se parer d’un brillant qui est en totale opposition avec le sujet.

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© Soleil

Le support est magnifique, un travail d’orfèvre éditorial qui permet d’apprécier chaque page comme une planche sertie de dessins ouvragés. Assurément un bel album, sinon un chef d’œuvre dans sa forme, qui éclipse ainsi quelques longueurs ou répétitions dans le fond. Demi-Sang, à l’instar de son aîné Petit, se classe donc très bien dans cette catégorie d’albums terriblement beau et franchement prenant, très bon pour la bibliothèque et la réflexion.