Le 29 avril 2017
Classique sans être académique, ce premier long métrage d’un musicien chilien traite avec subtilité le thème de l’homophobie. Évitant les pièges du sentimentalisme et du film militant, le cinéaste trouve le ton juste et délivre un beau message de tolérance.
- Réalisateur : Alex Anwandter
- Acteurs : Sergio Hernández, Antonia Zegers, Andrew Bargsted, Jaime Leiva, Benjamin Westfall
- Genre : Drame, Action, LGBTQIA+
- Nationalité : Chilien
- Distributeur : Épicentre Films
- Durée : 1h21mn
- Titre original : Nunca Vas a Estar Solo
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 3 mai 2017
- Festival : Festival de Berlin 2016
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Résumé : Santiago du Chili. Pablo, un jeune lycéen, se découvre une passion pour le cabaret. Mais un jour il est victime d’une violente agression homophobe qui le laisse dans le coma. Bouleversé, Juan, son père, met tout en œuvre pour trouver les coupables…
Critique : Musicien et chanteur ayant débuté sa carrière en 2005, Alex Anwandter s’est inspiré d’un drame qui avait choqué l’opinion chilienne en 2012 : Daniel Zamudio, jeune homme passionné de rock, est mort de ses blessures après une agression homophobe dans une rue de Santiago. Le fait divers avait été à l’origine d’une mesure anti-discriminatoire, la loi Zamudio, qui comblait un vide juridique dans une société peu encline à une évolution des mœurs. L’œuvre n’est pas la reconstitution de cette tragédie mais un récit épuré construit dans sa première partie en montage parallèle. Le scénario décrit en effet le quotidien d’un père et de son fils réunis dans quelques rares séquences, l’emploi du temps chargé de Juan, le père, lui permettant peu de temps libre. Responsable de production et associé dans une usine de fabrication de mannequins, il est soucieux face à la fragilité financière de sa société, et méfiant face à l’intégrité du chef d’entreprise, par ailleurs son ami, qui le manipule à sa guise. Cette partie de la narration s’entremêle avec l’existence en apparence insouciante du fils, qui ne confie qu’à son amie d’enfance son goût pour le travestissement et l’attirance physique envers Felix, un bad boy devenu son amant, lié à une bande de délinquants dont l’homophobie fera des ravages.
- Copyright Epicentre Films
La seconde partie, qui aurait pu tomber dans les travers du « film de vengeance », est le beau portrait d’un homme partagé en dignité et sentiment d’impuissance, face aux failles des systèmes judiciaire et médical, et surtout parce qu’il affronte une situation psychologique et familiale inédite. On pourra d’ailleurs rapprocher le combat de Juan de celui de la mère courage congolaise cherchant à sauver son fils hospitalisé dans Félicité d’Alain Gomis. Le mérite du réalisateur est de ne pas tomber dans les pièges du sentimentalisme ou du film à thèse, préférant miser sur les ellipses et les non-dits, en dépit d’un dispositif classique et limpide. « Bien sûr, le père découvre d’autres formes de violences… J’espère que le film offre la possibilité aux spectateurs de s’interroger : comment réagiraient-ils dans la situation de cet homme ? […] L’objectif est de montrer l’histoire dans son contexte. Avoir un homme d’âge mûr, hétérosexuel, comme personnage principal a le mérite de faciliter l’identification du plus grand nombre et de mettre en lumière les préjudices de cette violence quotidienne », a déclaré Alex Anwandter dans le dossier de presse.
- Copyright Epicentre Films
Si l’on pourra regretter la faiblesse des personnages féminins (la vieille voisine boulet, la femme médecin bienveillante), l’ensemble est de bon niveau et porté par l’interprétation de Sergio Hernandez, acteur à la fois sobre et expressif que l’on avait pu apprécier dans Gloria de Sebastian Campos. Il faut enfin souligner le travail sur la bande sonore et musicale, qui accompagne l’émotion sans la surligner, allant de l’opéra à la musique folk en passant par la version espagnole de Lucio Battisti « Il mio canto libero ». Quant à la place du film dans le cinéma queer, elle se situe entre le radicalisme de L’Ornithologue et le style consensuel d’un Boys, Plus jamais seul trouvant plutôt des correspondances avec le récent Moonlight par son message de tolérance et son exigence artistique aptes à capter tout public.
– Teddy Awards 2016 : Prix du Jury
– Festival International du Film de Guadalajara 2016 : Prix du premier film
– Festival International du Film de Seattle 2016 : Ibero American Competition
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