Le 23 mars 2017
Un superbe portrait de femme qui bascule dans un univers fantasmagorique à la noirceur absolue.
- Réalisateur : Alain Gomis
- Acteurs : Véro Tshanda Beya, Papu Mpaka, Gaetan Claudia
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Durée : 2h03mn
- Box-office : 65.535 entrées France
- Date de sortie : 29 mars 2017
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– Festival : Grand Prix jury Festival Berlin - Etalon d’or au FESTPACO (Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou).
– Sortie DVD : le 3 octobre 2017
Résumé : Félicité, libre et fière, est chanteuse le soir dans un bar de Kinshasa. Sa vie bascule quand son fils de 14 ans est victime d’un accident de moto. Pour le sauver, elle se lance dans une course effrénée à travers les rues d’une Kinshasa électrique, un monde de musique et de rêves. Ses chemins croisent ceux de Tabu.
Notre avis : Félicité est une femme à la personnalité si débordante que son prénom et le titre du film se superposent. Dès la première image, son visage emplit l’écran, sa voix percute les murs de ce bar miteux du cœur de la capitale du Congo. Jusqu’à présent, les films d’Alain Gomis étaient centrés sur des histoires masculines (Andalucia). Ces dernières années l’ont mis en contact avec bon nombre de femmes fortes, de celles qui n’acceptent pas la compromission et dont la droiture a fait naître chez lui une réelle admiration néanmoins mâtinée de scepticisme quant à cette capacité de plier la vie à sa volonté. Tout en restant fidèle à la dialectique de la lutte et de l’acceptation qui traverse ses films, c’est donc à une femme forte et fragile qu’il consacre son quatrième long-métrage
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Dans ce bar de Kinshasa où la grâce et la voix rauque de Félicité attirent la foule, la caméra slalome entre les clients, ceux qui laissent de généreux pourboires ou ceux qui, ivres, tiennent des propos déplacés et qu’elle sait parfaitement remettre à leur place. Elle aime sa vie indépendante et son métier mais elle se méfie des hommes. Son mari, machiste et ingrat, lui a laissé un trop mauvais souvenir. Elle est fière de vivre seule dans cette ville africaine où le « Débrouillez-vous » est érigé en diction populaire.
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Si la réparation d’un frigo prend l’allure d’une aventure aux pièges multiples, il lui donne l’occasion de découvrir une autre facette de ceux qui viennent s’enivrer tous les soirs dans le bar où elle se produit. C’est le cas du jovial Tabu, coureur de jupons et poivrot notoire qui, à force de douceur et de services rendus, saura trouver le chemin de son cœur. Pourtant, elle continue à ne vouer sa vie qu’à un seul homme : son fils. Aussi, quand celui-ci est victime d’un accident, Félicité tombe le masque. Mue par une solidarité familiale qui n’est pas sans rappeler celle des personnages chers au réalisateur philippin Brillante Mendoza, elle va tenter de trouver l’argent nécessaire à l’opération de son fils par tous les moyens. Car ici, point d’état providence. Pour être soigné correctement mieux vaut présenter un beau paquet de billets de banque. Une telle abnégation va droit au cœur du spectateur d’autant qu’elle est portée par une comédienne dont la puissance de jeu n’a d’égale que la détermination.
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Ravalant sa fierté, elle s’humilie à réclamer les salaires qui ne lui ont pas été payés, les prêts qui ne lui ont jamais été remboursés. Elle y perd son énergie et sa voix en même temps que le film prend un virage sombre dans une Kinshasa qui, jusque là miséreuse mais grouillante de vie, se transforme en fantôme inquiétant. Après nous avoir gratifié d’une mise en scène ample et animée, le réalisateur tourne le dos à « la grammaire » (selon ses propres mots) cinématographique classique et nous sert des plans tournés entre nuit et forêt éclairés très faiblement aux effets stroboscopiques pour mieux accompagner les transes de Félicité. L’enfer, sombre et démoniaque, n’attend que l’occasion de nous précipiter dans un monde de silence et d’invisibilité. La légende raconte que petite fille, Félicité est morte et a connu une renaissance. Après les rythmes âpres du groupe Kasai Allstars, cette deuxième naissance est célébrée par les morceaux lénifiants d’Arvo Pärt interprété par un orchestre symphonique qui, à intervalles réguliers, viennent entrecouper le récit de pauses ennuyeuses. L’imaginaire du cinéphile averti s’enivrera sans doute de cet onirisme extrême mais il est fort à parier que le grand public aurait opté pour un traitement plus romantique de l’histoire d’amour naissante de Félicité et Tabu dans une société congolaise chaotique où les habitants, sans structure pour les soutenir, font figure de héros. Un voyage au bout de la nuit que l’on aurait souhaité plus chaleureux.
L’étrangeté et la sensualité de la déambulation de Gomis dans une édition un peu chiche en suppléments de consistance.
Les suppléments :
Casting et répétition (5mn), making-of sous forme de vignettes courtes sans possibilité de lecture continue, 3 clips remixes assez étrange... on peut être un peu perdu par les suppléments proposés.
L’image :
Image propre, retranscrivant avec fidélité l’univers foisonnant de cette expérience cinématographique.
Le son :
Proposé en 5.1 DD et en 2.0, le film libère ses charmes musicaux, sa torpeur, avec un certain allant.
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