Allez... On prend très fort sa respiration et on retient son souffle jusqu’à la page 49, seul endroit de ce roman où l’auteur saute une ligne pour entamer un deuxième paragraphe. Car, comme d’habitude avec Stephen Dixon, ce roman est un exercice de style avant d’être une histoire. On suit les méandres compliqués de l’esprit d’un personnage qui semble tomber amoureux. Et avec des si, on mettrait Paris en bouteille, non ? Eh bien, là c’est pareil.

Avec des si, l’homme dont il est question ici aurait rencontré cette femme lors d’une soirée entre amis. Avec des si, il l’aurait charmée (d’une foule de manières différentes). Avec des si, il aurait pris son numéro de téléphone, l’aurait rappelée, l’aurait invitée au restaurant. Mais non. On revient au début de la soirée, on s’aperçoit que tout reste à faire. On s’immisce de nouveau à l’intérieur de ses pensées... On vagabonde sur le même chemin que cet homme qui, finalement, se rend compte que cette femme est en fauteuil roulant. Vrai ? Pas vrai ? Et puis débute le second paragraphe...

Depuis Jamais trop tard et le magnifique Ordures, Stephen Dixon a vraiment créé un style inimitable. Mélange d’absurde, paradoxalement ancré dans une réalité extrêmement terre à terre, et de digressions incessantes. Phrases à rallonge, qu’on avale sans jamais pouvoir reprendre sa respiration. Essayez un peu de stopper votre lecture au milieu de l’un des deux paragraphes ! Quasi impossible, si l’on est sensible à la mélodie qui tient le roman. Ici, c’est celle de la naissance d’une passion qui nous guide, celle de la découverte progressive de l’autre. Cette mélodie envoûte et berce jusqu’à la fin. Profitons-en, il s’agit de celle d’un grand styliste !