Le 20 octobre 2016
Pierre Carles et Nina Faure s’immergent dans l’Equateur du président Correa, pour en comprendre les mutations sociales et économiques.
- Réalisateurs : Pierre Carles - Nina Faure
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Durée : 1h41min
- Titre original : On revient de loin - Opération Correa 2
- Date de sortie : 26 octobre 2016
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Résumé : Depuis 2007 en Équateur, le gouvernement de Rafael Correa a refusé de payer une partie de la dette publique, récupéré la souveraineté sur ses ressources naturelles face aux multinationales. Grâce à des politiques de redistribution, la pauvreté et les inégalités ont baissé fortement tandis que la classe moyenne a doublé en huit ans. Pierre Carles, Nina Faure et leur équipe débarquent tout feu tout flamme dans ce nouvel Eldorado. Mais, à leur arrivée, les rues s’embrasent. En sillonnant le pays en ébullition, nos deux réalisateurs tirent des leçons parfois opposées : l’un voudrait que Correa vienne retaper la France, l’autre s’interroge sur la nécessité d’un homme providentiel.
(C) Les Films des Deux Rives
Deux ans après Les ânes ont soif, Pierre Carles et Nina Faure poursuivent leur réflexion sur la "révolution citoyenne" impulsée par le président de l’Equateur, Rafael Correa. Le premier documentaire évoquait le dirigeant à travers le traitement médiatique des journalistes français - globalement peu intéressés -. Le second film délaisse complètement la critique à laquelle Pierre Carles nous a habitués et nous propose une immersion dans ce pays plutôt discret sur la scène internationale. On revient de loin débute par une harangue du président charismatique contre le néo-libéralisme. On sait qu’aussitôt après son arrivée à la tête de la nation, Correa a demandé au FMI, accusé d’être corrompu, de quitter la Banque centrale du pays. L’objectif du nouveau dirigeant était de déclarer illégales les dettes contractées et d’investir les économies réalisées, dans les infrastructures, l’éducation ou le secteur hospitalier.
Ce que d’aucuns ont appelé le "miracle équatorien" se traduit par un refus des politiques d’austérité, une reprise en main étatique et une planification rationnelle. Dans un premier temps, Pierre Carles et Nina Faure semblent conquis, vérifient sur le terrain que cette inflexion obéit à une logique de progrès social. Les personnalités issues du gouvernement qu’ils interrogent, sont des hommes et des femmes jeunes (moins de quarante ans). Ils veulent incarner une société généreuse, débarrassée des oligarchies d’antan. Maria Landazuri, vice-ministre de la mobilité humaine, s’appuie sur la politique d’asile menée, "de grande ampleur", mue par une vision élargie de la citoyenneté. On se souviendra que l’ambassade d’Equateur a accueilli le lanceur d’alerte Julian Assange à Londres. Parallèlement, des gens du peuple s’expriment sans ambages : des paysans se félicitent que l’Etat leur ait restitué leurs terres, au détriment des riches propriétaires, un animateur socio-culturel avoue que tout a changé dans le bon sens, une coiffeuse parle de l’instabilité, avant l’arrivée du nouveau président, en 2006.
Petit à petit, pourtant, les entretiens que Nina Faure conduit auprès de la population la font douter d’un homme providentiel, dévolu au bien-être de son peuple. Des petits commerçants manifestent leur colère contre une décision gouvernementale favorable au remplacement des cuisinières à gaz par des plaques à induction. Une femme, qui réchauffe ses aliments dans la rue et vit de son commerce, a peur de disparaître, comme tant d’autres. Des indiens Shuars de Tundayme sont délogés par une industrie minière qui, non seulement rapporte peu, mais provoque des dégâts écologiques. La défiance se cristallise autour de la hausse de l’impôt sur l’héritage : conçue pour taxer les richesses des plus aisés, elle est assez largement rejetée, toutes classes sociales confondues, et provoque des manifestations de grande ampleur à travers le pays. Henry Kronfle, le président de la principale organisation patronale, le résume clairement : "Cette réforme ne stimule pas celui qui travaille".
Au fur et à mesure que les témoignages s’accumulent et que les échanges entre les deux réalisateurs font apparaître des divergences sur le président, c’est un autre portrait de Correa qui se dessine, plus intéressant parce que plus complexe : derrière l’homme accorte, parlant un très bon français, l’ombre du catholicisme le plus traditionnel se déploie volontiers. Il est notoire que le dirigeant refuse l’avortement. La députée Paola Pabon le sait bien, qui, favorable à une loi de dépénalisation, relate son combat et les sanctions subies au sein du parti de la majorité présidentielle : un retrait de mandat et un salaire suspendu. Rien de moins. Parallèlement, cette jeune femme déterminée évoque les progrès accomplis en matière d’égalité salariale entre les sexes.
On aurait aimé que cette logique patriarcale, reliée notamment à l’absence de laïcité, soit plus approfondie par les deux réalisateurs. Elle aurait débouché sur une réflexion qui concerne globalement l’Amérique latine. Elle aurait aussi permis d’éclairer la contradiction entre ce désir de progrès social et l’imprégnation d’une pensée traditionnelle religieuse chez le président équatorien. Mais dans l’ensemble, on est séduit par ce portrait nuancé, qui questionne en creux la gestion de la crise économique et des politiques d’austérité en Europe.
Pierre Carles, enthousiaste, a eu vent que Correa abandonnerait la présidence en 2017. Il voudrait qu’il murmure à l’oreille de la gauche française, en tant qu’expert, sollicite même l’entremise du président bolivien Morales, invité à Pau. La mention "à suivre" qui clôture le film montre que la réflexion du réalisateur se poursuit...
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