Dossier Woody Allen
Le 16 août 2014
Une réalisation à part, hors du temps.
- Réalisateur : Woody Allen
- Acteurs : Jodie Foster, Mia Farrow, John Malkovich, Kathy Bates, John Cusack, Madonna, Woody Allen, Michael Kirby
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : MGM/United Artists
- Durée : 1h25mn
- Titre original : Shadows and Fog
- Date de sortie : 12 février 1992
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Résumé : Une ville tranquille d’Europe centrale, dans l’entre-deux-guerres... Recruté de force par la milice d’autodéfense, Kleinman, un petit employé craintif, doit capturer un étrangleur qui rode et terrorise la ville. Dans le brouillard sombre et humide de la nuit, Kleinman croise une avaleuse de sabre au chômage. Désireux d’aider cette "âme en détresse" et d’échapper aux griffes de la milice, Kleinman abandonne ses recherches. Mais pendant ce temps, les meurtres se succèdent...
Critique : Empruntant, entre autres, à M le Maudit, Ombres et brouillard est une curieuse rêverie rendant hommage aux maîtres du cinéma européen et à la force des illusions. Woody Allen au sommet des formes.
Accroché à la lune qui perce la brume et qui ouvre le film, Ombres et brouillard flotte au-dessus de l’œuvre de Woody Allen. Aucune idée de classement dans cette position céleste. Simplement celle de se trouver en face d’une réalisation à part, hors du temps. Un songe bercé de noir et de gris. Un hommage au cinéma expressionniste allemand, Murnau et Lang en tête, à Bergman, à Kafka aussi (le Kafka de Steven Soderbergh, sorti la même année, s’en rapproche visuellement beaucoup).
Le titre ne cache rien. Ombres et brouillard est avant tout une affaire de formes, qui a pour cadre une ville d’Europe centrale. Façades sans fin, ruelles étroites, caniveaux ; lumière directe, contours nets, contrastes, clairs-obscurs ; visages serrés de près, angles de caméra étranges : Woody Allen et Carlo Di Palma (directeur de la photo à qui l’on devra plus tard la chaleur de Coups de feu sur Broadway) peignent ici un tableau d’une beauté saisissante. Irréelle. Comme le scénario.
Réveillé en pleine nuit, l’employé Kleinman (Woody Allen) est sommé de se joindre à la milice que viennent de créer des habitants. Le temps presse. Un étrangleur terrorise la ville, la police reste impuissante et dans le piège que tendent les miliciens, Kleinman a un rôle à jouer. Lequel ? Mystère. Tout près de là, sous un chapiteau pas toujours étoilé, un clown (John Malkovich) fuit les désirs de maternité de son avaleuse de sabres de femme (Mia Farrow) en se réfugiant dans les bras de la trapéziste (Madonna). L’épouse trompée s’en va trouver refuge dans une maison close de la ville, où elle gagne sept cents dollars avec plaisir et un étudiant (John Cusack), avant de croiser la route de Kleinman, que la population soupçonne être le tueur.
M le Maudit n’est pas loin. Mais s’il manque à Ombres et brouillard l’air que fredonne le tueur du chef-d’œuvre de Fritz Lang avant chacun de ses crimes (Woody Allen rythmant avec bonheur son film d’extraits de Kurt Weill), le film se distancie de son "aïeul" avant tout par son parti pris : celui d’être un rêve, le rêve de Kleinman, qui vire parfois au gentil cauchemar, mais pour lui seul.
Car de l’effroi que fait naître ici le tueur, on ne ressent rien. Pas même de la compassion pour ses victimes qui tombent sans bruit. Tant que l’étrangleur ne touche pas aux gens du cirque, seuls personnages avec ce couard de Kleinman (drôle, forcément) à avoir une épaisseur, qu’il tue qui bon lui semble ! Sa capture ratée à la fin du film n’émeut même pas, il y a plus important : le clown et l’avaleuse s’aiment à nouveau, et Kleinman est tiré d’affaire. Il plaque sa vi(ll)e pour réaliser son rêve, devenir l’assistant d’un magicien, et alors que pointe l’aurore, il disparaît de l’écran sur un souffle de son maître.
Le cinéma n’est qu’illusion. Woody Allen ne se contente pas de nous le rappeler. Il nous dit aussi que la vie ne vaut la peine d’être vécue sans magie. Même quand celle-ci s’enveloppe dans les ombres et le brouillard.
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