Aux portes de la ville
Le 29 octobre 2024
Poète et homme de texte, Terence Davies nous plonge dans son Liverpool natal. Une construction virtuose au service de la beauté.
- Réalisateur : Terence Davies
- Genre : Documentaire, Historique
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 1h14mn
- Date de sortie : 4 février 2009
- Festival : Festival de Cannes 2008
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Résumé : Une chanson d’amour mais également un éloge de Liverpool, ville natale du réalisateur Terence Davies. Ce film représente aussi la mémoire de ce qui fut et qui n’est plus, une réflexion sur le temps qui passe au fur et à mesure que le paysage d’autrefois laisse place à celui d’aujourd’hui.
Critique : Révélé par Distant Voices, surtout connu des cinéphiles, Terence Davies évoque avec une certaine amertume la ville de son enfance, Liverpool. En partie construit sur des images d’archives (celles tournées pour l’occasion sont moins convaincantes, vidées de nostalgie dans leur tentative de reconsidérer la ville telle qu’elle est aujourd’hui), le travail de Davies - et son talent - naît du montage ; sa profonde recherche d’images (vidéos rarement colorées, ou photographies), admirablement vivantes et émouvantes, d’une époque déchue, traitant de la guerre comme de la pauvreté ou de la naissance de la modernité architecturale, est épatante dans sa canalisation historique, et le rapport que ces images ont entre elles est riche, construit, poétique par les douces notes d’une berceuse de Fauré, conduisant l’image dans le sens de l’Histoire. Leur puissance évocatrice et pessimiste est un appel à la paix, un manifeste humain pour les droits et la morale.
La construction est assez virtuose de simplicité pour faire passer les archives comme des séquences spécialement tournées pour être liées les unes aux autres. Le film rappelle aussi la mise en scène soutenant ces images d’époque qui, parce qu’elles sont passées, pourraient faire croire qu’elles n’étaient pas réfléchies (la notion du cadrage, par exemple, est toujours présente) ; Of Time and the City devient alors la mise en abyme du cinéma, notamment dans sa glorification, son apogée, voire même son ironique mise en beauté spectaculaire - l’ouverture sur rideau - . L’homosexualité est aussi au cœur de cette bouleversante déclamation en prose à la victoire et aux défaites de l’Homme. Souvent critiqué pour ses choix sexuels, l’auteur évoque subtilement sa condition, pendant que les visages des enfants pauvres jouant dans les rues couleur charbon rappellent la difficulté de vivre en une telle époque. Car il ne faut pas oublier que cette œuvre résonne comme une part de l’enfance du cinéaste, qu’il mêle à celle des autres. L’isolement, la solitude, la mort, bref, tous ces thèmes passagers sont au centre du film comme de l’œuvre globale de Terence Davies, esthète des mémoires et des opprimés.
Il serait pourtant déplacé de qualifier ici le travail du cinéaste comme étant esthétique ; le poème visuel dont il s’agit n’est pas composé par Davies lui-même, puisqu’il utilise des images déjà existantes, mais il est rythmé par lui, jusqu’au choix crucial de la musique. Davies ne s’y est pas trompé ; c’est avoir l’oreille musicale et le cœur entier ouvert au cinéma que d’avoir choisi des passages de symphonies de Mahler pour rendre palpable l’ineffable sensation de l’être à travers la souffrance ou, tout simplement, la vie, qu’évoquent puissamment ces images. Du montage, musical comme esthétique (car on peut considérer tout de même un point esthétique de la part du metteur en scène face aux images d’archives ; celui à l’échelle globale, ou comment dans le positionnement, certaines images résonneront dans les autres), émane alors une douceur émouvante, une lenteur apaisante, mais jamais ennuyeuse. Il y a effectivement de l’art du poème dans cette fabrication, cette mise en valeur de rares documents, nés pour être assemblés et pour former un tout, universel et d’une implacable beauté poétique, voire lyrique et métaphysique (les notions de croyance y sont souvent abordées comme l’unique évasion à la sordide condition humaine). Porté par sa voix de prophète au ton mystérieux, le film de Terence Davies se consume doucement jusqu’à ne plus respirer que les odeurs discrètes de la ville, qui s’efface en même temps que l’image se fond dans le noir. Poète, homme de texte, Davies au final ne fait du temps et de la mémoire plus qu’une seule chose : la beauté.
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