Escroquerie en bande organisée
Le 31 octobre 2020
Voilà le résultat du non-respect, pendant des décennies, de la parité homme-femme qu’il faut à présent suivre : c’est désormais le public qu’on ne respecte plus. Quelle belle image de la cause féministe !
- Réalisateur : Gary Ross
- Acteurs : Cate Blanchett, Sandra Bullock, Helena Bonham Carter, Anne Hathaway, Sarah Paulson, Rihanna, Mindy Kaling, Awkwafina
- Genre : Thriller
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 1h50mn
- Date télé : 5 février 2023 21:10
- Chaîne : TF1
- Date de sortie : 13 juin 2018
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Résumé : Cinq ans, huit mois, douze jours… et le compteur tourne toujours ! C’est le temps qu’il aura fallu à Debbie Ocean pour échafauder le plus gros braquage de sa vie. Elle sait désormais ce qu’il lui faut : recruter une équipe de choc. À commencer par son "associée" Lou Miller. Ensemble, elles engagent une petite bande d’expertes : Amita (Mindy Kaling), la bijoutière, Constance, l’arnaqueuse, Tammy, la receleuse, Nine Ball, la hackeuse et Rose, la styliste de mode. Le butin convoité est une rivière de diamants d’une valeur de 150 millions de dollars. Le somptueux bijou sera autour du cou de la célèbre star Daphne Kluger qui devrait être l’objet de toutes les attentions au cours du Met Gala, l’événement de l’année. C’est donc un plan en béton armé. À condition que tout s’enchaîne sans la moindre erreur de parcours. Enfin, si les filles comptent repartir de la soirée avec les diamants sans être inquiétées…
Critique : Plus de dix ans après la fin de sa trilogie, l’influence de Steven Soderbergh sur la façon de filmer un cambriolage reste toujours aussi palpable. Le récent succès de la série La Casa de Papel, qui y est constamment comparée, en est la preuve la plus tangible. Tout le monde ne le sait pas, mais Ocean’s Eleven était lui-même un remake d’un film sorti quarante ans avant lui. D’ailleurs, revoir L’Inconnu de Las Vegas était jusque-là le meilleur moyen de prendre pleinement conscience de la plus-value apportée par Soderbergh. Mais ça, c’était avant. A présent, même si c’est cinématographiquement beaucoup moins agréable, il faudra la comparer à cet Ocean’s Eight pour que les qualités de la trilogie initiale sautent aux yeux.
Toutes ces qualités qui font cruellement défaut au film de Garry Ross. Si on pouvait reprocher aux deux opus qui faisaient suite au film initial, de ne faire qu’en répéter la mécanique sans y apporter suffisamment d’éléments nouveaux, ils avaient au moins le mérite de suivre scrupuleusement un cahier des charges leur assurant une identité propre qui faisait le charme de la saga. Cette identité a désormais été à ce point diluée que l’on en vient à se demander si le réalisateur de Hunger Games a fait l’effort de regarder les films après qu’on lui ait demandé d’en signer la suite.
- Copyright Warner Bros. Entertainment
Avoir cru qu’il suffisait d’imaginer le personnage principal comme la sœur de celui autrefois incarné par George Clooney (dont on nous apprend qu’il est mort, histoire de justifier qu’il ne soit plus là, c’est facile) et d’embaucher quelques actrices relativement populaires pour retrouver l’essence des trois premiers Ocean’s est même une grave offense faite à leurs fans. Parmi les éléments qui ont fait leur succès, on peut notamment citer leur humour, leurs personnages iconiques et glamour, l’intelligence de leurs plans et la façon dont le montage savait en jouer. Tout cela a tristement disparu de cette piètre tentative de variation féminine.
Tout le plaisir que l’on avait à voir la bande de Danny Ocean élaborer des cambriolages rocambolesques puis les effectuer en réussissant à faire appel à leur malice et leur esprit d’équipe pour toujours retomber sur leurs pattes semble s’être tristement envolé. Au lieu de ça, le scénario fastidieux et la mise en scène impersonnelle de Garry Ross se contentent de nous faire suivre l’avancée d’un plan tout juste digne d’un épisode d’Arsène Lupin, et ce sans jamais que les personnages ne rencontrent de péripéties qui les obligeraient à nous surprendre.
- Copyright Warner Bros. Entertainment
On se retrouve ainsi à patienter pendant plus d’une heure et demi pour voir où va les mener leur projet de vol, aussi nébuleux qu’improbable, alors que le réalisateur essaie vainement de dissimuler son manque d’inspiration derrière un sur-découpage et des effets de montage ringards loin de rendre justice à l’ingéniosité avec laquelle Soderbergh avait su astucieusement construire ses films. Et sortir de là avec, en tête, une seule et unique question (« Mais au fait, le personnage de Cate Blanchett, il sert à quoi ? ») nous rappelle à quel point on regrette la mécanique collective élaborée dans les premiers films.
La liste est longue mais on ne citera que les deux seuls flashbacks (un premier servant à illustrer une ficelle scénaristique que l’on avait comprise vingt minutes plus tôt, et un second en guise de deus ex machina à la toute fin), ou encore l’idée de montrer à plusieurs reprises les héroïnes se servir des réseaux sociaux et manger à Subway afin d’appuyer la soi-disant modernité de ce nouveau film, parmi tous les nombreux autres éléments qui viennent entériner le véritable foutage de gueule sur lequel a été élaboré ce produit de commande.
- Copyright Warner Bros. Entertainment
Ne reste alors à cet Ocean’s 8 que son seul et unique argument d’être un « remake féminin ». Si encore le scénario et la réalisation avaient été confiés à une femme, l’argument aurait pu être entendu. On pensait pourtant que, après le succès de Wonder Woman, la Warner n’aurait plus de crainte à mandater une réalisatrice pour diriger un projet coûteux. Au lieu de ça, voir Gary Ross imaginer que ses personnages féminins puissent être obnubilés par le petit monde de la mode et de la bijouterie semble ne faire que recycler quelques vieux clichés misogynes.
Mais alors, peut-être que les actrices auraient pu redresser la barre ? On l’a tous secrètement espéré. Mais toutes, qu’il s’agisse de Cate Blanchett, Helena Bonham Carter ou Rihanna, ne font que reproduire, sans la moindre fulgurance ni inspiration, leur propre caricature. On n’espérait pas de Sandra Bullock qu’elle rivalise avec son partenaire de Gravity, George Clooney –qui, au début des années 2000, était au sommet de sa carrière– mais ce n’est certainement pas sa prestation monocorde qui va relancer la sienne. En toute franchise, la seule de la bande qui sorte un peu du lot est finalement Anne Hattaway dans son rôle de mannequin qui offrira le seul twist (inutile d’ailleurs) du film. Mais, bizarrement, le personnage le plus intéressant, car celui qui se révèle le plus intelligent, est celui de l’inspecteur des assurances qui arrive comme un cheveu sur la soupe dans les dernières minutes. Peut-être d’ailleurs est-il la preuve définitive de l’inutilité d’avoir accordé près de deux heures à tout ce qui l’a précédé.
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