Une Histoire américaine
Le 19 août 2016
Le réalisateur de Hunger Games signe un bel ouvrage, au récit dense et émouvant. Matthew McConaughey, sobre et intense, n’a - enfin ! - plus rien à prouver. Face à lui, Mahershala Ali est la révélation du film.
- Réalisateur : Gary Ross
- Acteurs : Matthew McConaughey, Keri Russell, Gugu Mbatha-Raw, Mahershala Ali
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Américain
- Durée : 2h19mn
- Box-office : 20.810.036 M$ (recettes américaines)
- Titre original : Free State of Jones
- Date de sortie : 14 septembre 2016
- Festival : Festival de Deauville 2016
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Résumé : 1862. La guerre de Sécession fait rage et l’État du Mississippi, rallié aux confédérés, fait front contre l’abolition de l’esclavage. Mais le comté de Jones, constitué principalement de gens de peu, s’oppose à un conflit qui sert les intérêts de riches esclavagistes. A la tête de la rébellion, Newton Knight met l’opposition en marche, réunissant esclaves en fuite et fermiers démunis pour lutter contre les maux de la guerre.
Notre avis : Boudé aux Etats-Unis, Free State of Jones aborde de front les causes et les conséquences de la guerre de Sécession dans une fresque plus audacieuse qu’il n’y paraît, oscillant avec habileté entre l’œuvre pédagogique, la fresque épique, et la dénonciation radicale de l’esclavage, celle que l’on retrouvait dans le 12 Years a Slave de Steve McQueen, le voyeurisme en moins, la pertinence en plus.
Pertinent, le film de Gary Ross l’est avant tout dans sa condamnation du traitement inhumain d’un système qui broyait les hommes, en normalisant l’innommable. Il s’attaque non pas aux monstres mais aux institutions qui leur permettent d’exister.
- Bluegrass Films, Larger Than Life Productions, Route One Entertainment, Vendian Entertainment ©
S’ouvrant sur une scène de guerre à la conclusion résolument nihiliste, le film démystifie d’entrée de jeu le conflit et son imaginaire manichéen (les bons Nordistes contre les méchants Sudistes esclavagistes) pour rétablir une vérité qui s’impose à toutes les guerres. Un soldat s’adresse à Newton (Matthew McConaughey) qui porte le corps de son beau-fils dans les bras. « Il est mort avec honneur, Newt ». Et Newt de répondre « Non Will, il est juste mort ». Récit de l’émancipation, Free State of Jones entremêle le destin des fermiers blancs qui ont tout à perdre et celui des esclaves noirs qui ont tout à gagner. Malin, le scénario évite de tomber dans les clichés de l’homme blanc libérateur et montre des hommes qui s’entraident moins par noblesse de cœur que par nécessité. Le discours joue habilement avec les flash-forward pour suivre, en parallèle du récit, le combat d’un descendant de Newton dans le Mississippi ségrégationniste des années 50, entérinant un peu plus l’idée que le racisme est une affaire qui dépasse les époques, porté par des sociétés malades. Un sujet que Gary Ross avait déjà abordé dans une fable méconnue, mais non sans qualité, Pleasantville, et qu’il retrouve ici sous des contours forcément moins métaphoriques, mais avec une force de conviction qui touche droit au cœur.
- Bluegrass Films, Larger Than Life Productions, Route One Entertainment, Vendian Entertainment ©
Free State of Jones, c’est également un beau casting, au diapason du talent d’équilibriste du réalisateur. Matthew McConaughey, encore une fois impeccable, est moins dans le rôle de composition (Dallas Buyers Club, Killer Joe) ou la participation attendue (Le Loup de Wall Street) ; l’acteur touche du doigt la sagesse des vieux briscards dont la seule présence suffit à transcender l’écran. Face à lui ou plutôt avec lui, Marshala Ali, aperçu dans The Place beyond the Pines ou la saga Hunger Games, est la vraie révélation du film. Il assure à son personnage en quête de liberté une humanité et une épaisseur qui dépassent le cadre de sa condition première et l’on s’attache à l’homme avant de s’attacher à l’esclave.
Cet éclairage supplémentaire et toujours bienvenu sur l’une pages sombres de l’Histoire américaine, aux stigmates toujours prégnantes dans la société nord-américaine, met en lumière la petite révolution dans la grande. Se faisant, il rend hommage aux petites gens qui ont combattu dans l’ombre des puissants. La liberté, ce sont eux qui l’ont gagnée.
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