Les belles personnes
Le 24 mai 2011
Sans esbrouffe ni pathos, Régis Sauder filme la rencontre d’un groupe de lycéens avec Madame de Lafayette.
- Réalisateur : Régis Sauder
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 30 mars 2011
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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– Durée : 1h09mn
Sans esbrouffe ni pathos, Régis Sauder filme la rencontre d’un groupe de lycéens avec Madame de Lafayette.
L’argument : L’action se déroule en 1558, à la cour du roi Henri II. Mademoiselle de Chartres, devenue Princesse de Clèves après son mariage, rencontre le Duc de Nemours. Aujourd’hui à Marseille, des élèves du Lycée Diderot s’emparent de "La Princesse de Clèves" pour parler d’eux.
Notre avis : Les attaques répétées du chef de l’Etat contre le roman de Madame de Lafayette - d’ailleurs bien avant qu’il n’occupe ses fonctions présidentielles - ont donné à La Princesse de Clèves un éclat singulièrement politique. Car ce n’était pas seulement l’intérêt d’étudier une oeuvre classique dans le cadre d’un concours administratif qui était mis en cause par le président : c’était la place des études littéraires et de la fonction publique dans leur ensemble - avec une place de choix accordée au corps enseignant, bouc émissaire traditionnel des néolibéraux. En quelques années, ce livre qu’on croyait plus ou moins figé dans un classicisme pompeux est devenu un symbole de contestation politique et de défense de la culture. Il est sans doute abusif de déplorer ce regain d’intérêt auquel le cinéma a contribué avec beaucoup de bonheur (La belle personne de Christophe Honoré). Mais on peut aussi rester méfiant face aux enjeux de cette réhabilitation et au "fourre-tout" idéologique et médiatique dont elle a fait l’objet.
De ce point de vue, rappelons que l’intérêt des cinéastes pour La Princesse de Clèves et le classicisme n’est pas neuf (de Oliveira par exemple). La polémique n’avait d’ailleurs pas encore éclaté au moment où Régis Sauder a entrepris le tournage de Nous, princesses de Clèves. Dans une certaine mesure, c’est moins l’intérêt d’étudier le roman dans un cadre scolaire qui intéresse le réalisateur que la question de son appropriation par un groupe de jeunes défavorisés, et qui a priori semblent étrangers au langage du dix-septième siècle. Le film parvient ainsi, derrière l’argument initial - exercices de lectures et de mises en scène dans le cadre d’un atelier - à dresser des portraits authentiques avec une grande finesse. Le gros plan est souvent privilégié pour mettre à nu la pudeur des élèves et leurs faiblesses (regards fuyants, acné, tics nerveux). Les lectures sont effectuées avec simplicité, sans recherche d’éloquence et dans le seul but de donner à "entendre", avec un accent neuf, le langage de Madame de Lafayette. Le questionnement sur l’identification - ici envisagé dans sa double dimension : identification aux personnages du livre, questionnements sur sa propre identité - constitue dès lors l’aspect le plus réussi du documentaire. On y voit une jeunesse en quête de réussite, mais soucieuse de ne pas sacrifier à l’ambition toute sa lucidité. La conscience du milieu dans lequel ils évoluent, le rejet ou l’acceptation de certains codes - intervention des parents dans le choix du petit ami - donnent à voir des parcours singuliers dans lesquels il n’est pas toujours difficile de se reconnaître.
Le film trouve sa force dans l’évocation des parents et dans les lectures de passages où la mère de l’héroïne intervient (personnage au rôle discuté, puisqu’on la prend souvent à tort pour un simple tenant de la morale classique). Régis Sauder pénètre brillamment dans l’intériorité et l’intimité de ces pères et mères qui agissent plus par crainte pour leurs enfants que par un pur autoritarisme. Le film a ainsi le mérite de mettre en parallèle deux univers divergents entre lesquels se glisse une quête d’autonomie difficile : d’un côté l’école, l’institution (lieu d’apprentissage des autres) et de l’autre la famille où les jeunes sont confrontés aux attentes ou aux projections de leurs parents. Il est vrai que l’ensemble ne travaille pas toujours à la cohérence : l’école est à la fois perçue comme une prison (plan sur les grilles, scène du bac blanc) et comme un espace de liberté ; la famille est à la fois une valeur-refuge et un repoussoir, mais ces contradictions sont à l’image des jeunes lycéens et de leur perception fragmentée du monde qui les entoure.
On regrettera toutefois quelques maladresses. La mise en scène confine parfois à une théâtralité un peu lourde, et la musique répétitive gâche la valeur "documentaire" de l’ensemble en apportant une petite "touche" de classicisme très conventionnelle. Il n’en reste pas moins que Nous, princesses de Clèves est un film drôle, sincère, certes sans grande originalité, mais précieux à une époque où "les jeunes des cités" cristallisent les haines les plus diverses.
La bande-annonce : ICI
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