Le 7 avril 2017
Entre honte et désir de comprendre, Régis Sauder autopsie le désarroi d’une ville désindustrialisée oubliée des politiques.
- Réalisateur : Régis Sauder
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Docks 66
- Durée : 1h18
- Date de sortie : 19 avril 2017
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Résumé : Régis Sauder revient dans le pavillon de son enfance à Forbach. Il y a 30 ans, il a fui cette ville pour se construire contre la violence et dans la honte de son milieu. Entre démons de l’extrémisme et déterminisme social, comment vivent ceux qui sont restés ? Ensemble, ils tissent mémoires individuelles et collectives pour interroger l’avenir à l’heure où la peur semble plus forte que jamais.
Notre avis : Avec ce film démarré en 2014, soit trois ans après Nous, Princesses de Clèves dont l’action se situait dans les quartiers Nord de Marseille, Régis Sauder confirme son goût pour l’exploration des zones de non-droit. Marseille, il y vit aujourd’hui. Forbach, il y est né, y a grandi et une partie de sa famille y vit encore. Sa voix assure la trame sonore de ce récit qui raconte son histoire, celle du gamin qui, poussé par la honte de la pauvreté a tout fait pour quitter cet endroit, mais aussi l’histoire des gens qu’il y retrouve.
Car Forbach, ex ville minière frontalière éternellement ballottée entre la France et l’Allemagne au gré des alliances, souffre d’un problème d’identité qu’elle semble bien avoir transmis à ses habitants.
- Copyright Docks 66
Refaisant le chemin à l’envers, le réalisateur commence par nous convier dans la maison de ses parents, celle qu’ils ont habité pendant 46 ans et qui sera vendue à la fin du film, geste fort, signifiant que la ville doit accepter de ne plus s’arc-bouter sur son passé et envisager le changement pour survivre. C’ est au détour des rencontres que se font les témoignages les plus vifs, dans ce décor expressif de rues vides aux commerces fermés, aux affiches publicitaires déchirées, aux maisons fragilisées par le gruyère souterrain laissé par les mines et devenues invendables. Les plus âgés déplorent le retour de la peur de l’autre en rappelant qu’il y a un peu plus de 70 ans, la rue principale portait le nom de Adolf Hilter Strasse et était ornée de drapeaux à croix gammée remplacés maintenant par les drapeaux communautaristes. L’après-guerre et son industrialisation frénétique ont provoqué l’arrivée de travailleurs venus de tous pays (Italie, Pologne, Maroc etc......). pour exploiter le charbon. La mine permettait à chacun de manger à sa faim. La solidarité et l’harmonie entre les communautés compensaient largement les fins de mois difficiles. Et puis, la fermeture des mines signe le déclassement de la ville. Les Houillères, telle une mère nourricière palliaient à tous les besoins des habitants (logements, vacances, transports.....Beaucoup ne possèdent pas de permis de conduire, ce n’était pas nécessaire) qui désormais se sentent orphelins. Aujourd’hui, le sentiment d’abandon, teinté d’une bonne dose de colère ronge les cœurs et se traduit dans les urnes par la montée des extrêmes. Depuis que le travail se fait rare, les étrangers sont montrés du doigt. Régis Sauder installe sa caméra au café du marché, sur la place centrale. La patronne, véritable figure cinématographique au bon sens populaire réjouissant, se fait la messagère de tous les maux. Quand les mots se libèrent, toutes les thématiques (éducation, religion, politique, santé....) sont abordées sans faux semblants. En les énumérant toutes sans prendre le temps de se consacrer à l’une plus qu’à une autre, le réalisateur martèle encore et encore combien cette désertion programmée de tous les services publics, à l’image de tant d’autres villes françaises désindustrialisées, a ravagé les esprits.
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La mise en scène alterne efficacement témoignages et scènes plus puissantes telles que ces images nocturnes aux couleurs de feu où des ouvriers en colère soutenus par une musique métal, expriment toute leur douleur. Le réalisateur, homme d’images perçu comme « celui qui a réussi » par ses amis restés prisonniers du bourbier de la ville, est douloureusement partagé entre cette réalité en déliquescence qui l’incite à fuir et les souvenirs amicaux et familiaux qui le lient à ces lieux qui l’ont vu grandir. Sans esbroufe, il nous invite à l’accompagner dans cette réflexion humaine et sociologique et à porter avec lui l’espoir de déjouer le destin funeste annoncé.
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