Le 28 janvier 2023
Premier et meilleur long métrage de Claire Devers, cette radioscopie d’un cas de sadomasochisme vaut par sa froideur clinique et son absence de psychologisme.
- Réalisateur : Claire Devers
- Acteurs : Isaach de Bankolé, Francis Frappat, Benoît Régent, Jacques Martial, Joséphine Fresson, Marc Berman
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Durée : 1h20mn
- Reprise: 8 février 2023
- Date de sortie : 19 novembre 1986
- Festival : Festival de Cannes 1986
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– Reprise en version restaurée : 8 février 2023
Résumé : Antoine, un jeune comptable sans histoire au physique délicat, est délégué par sa firme dans un centre sportif. Curieux, il fait la rencontre d’un masseur antillais nommé Dominique. Un nouveau monde s’offre alors à lui.
Critique : Premier long métrage de Claire Devers, Noir et blanc fut couronné de plusieurs prix, dont la Caméra d’or du Festival de Cannes 1986, après sa présentation dans la section Perspectives du cinéma français. Cette réussite fut le seul coup d’éclat d’une réalisatrice qui déçut par la suite, à l’instar d’Aline Issermann, autrice du Destin de Juliette (1983), également ressorti en salles en 2023. Formée à l’IDHEC après une maîtrise de philosophie, Claire Devers pour ses débuts derrière la caméra a choisi d’adapter librement Le masseur noir, une nouvelle de Tennessee Williams. Le scénario vaut pour son minimalisme, le récit refusant les explications psychologiques et le confort narratif, tout en proposant une construction claire et linéaire structurée, caractérisée toutefois par des ellipses qui renforcent le sentiment d’étrangeté. L’un des mérites de Claire Devers est de partir d’une situation a priori banale (un jeune expert-comptable est chargé d’une mission dans un centre sportif et se voit offrir des séances de massage par l’entreprise d’accueil) pour aboutir à des scènes étranges, à la limite de l’absurde.
- © Tamasa Distribution
La relation progressivement sadomasochiste entre le comptable Antoine (Francis Frappat) et le masseur Dominique (Jacques Martial) est traitée à la fois avec concision (les scènes de quasi-torture sont filmées hors champ) et un sens prononcé pour le glauque, de gouttelettes de sang nettoyées par une femme de ménage à un passage scatologique dans une chambre d’hôtel, sans parler du dénouement (que nous ne dévoilerons pas) dans une usine désaffectée. Inspirée de sa vision des salles de musculation et de gymnastique (très en vogue dans les années 80), la cinéaste explore sans concessions les pulsions inconscientes des membres fréquentant ces lieux, dans une ambiance oscillant entre David Lynch et le Tsai Ming-liang de La rivière et Days.
- © Tamasa Distribution
Dans des propos recueillis par Nathalie Petrowski, Claire Devers ainsi déclaré : « Je voulais que les gens ressentent certaines sensations, mais pas forcément qu’ils souffrent. La souffrance dans ce film, je crois qu’on la vit comme une répulsion ; c’est positif quand même. Je ne crois pas que je sois sadique, d’autant plus que, pour moi, le sadisme et le masochisme sont deux choses distinctes. Un maso ne cherche pas un sadique et vice versa. Le sadique ne pourrait supporter de faire souffrir quelqu’un qui y prend du plaisir. Même chose pour le maso qui ne veut pas de quelqu’un qui va trouver du plaisir en lui faisant mal, puisque c’est son propre plaisir qu’il défend. C’est pourquoi le Noir, dans mon film, n’est pas sadique. C’est lui, la vraie victime... » Même si la force subversive du métrage s’est quelque peu émoussée avec les années, Noir et blanc reste un jalon important du cinéma d’auteur français des années 80, que le distributeur Tamasa propose en version restaurée 4K.
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