Le 26 décembre 2022
Crédit visuel : © Dominique Issermann
Le premier long métrage d’Aline Issermann traduit avec finesse les mécanismes de l’aliénation d’une femme, et est admirablement servi par ses interprètes, Laure Duthilleul et Richard Bohringer.
- Réalisateur : Aline Issermann
- Acteurs : Richard Bohringer, Hippolyte Girardot, Laure Duthilleul , Véronique Silver, Pierre Forget
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Panoceanic Films
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
- Durée : 1h55mn
- Reprise: 25 janvier 2023
- Date de sortie : 21 septembre 1983
- Festival : Festival de Cannes 1983
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Résumé : Vingt ans de la vie d’une femme d’une volonté extraordinaire. Fille aînée d’un maréchal-ferrant, Juliette aime un ouvrier agricole, Pierre, mais se voit contrainte d’épouser un cheminot, Marcel, qu’elle n’aime pas, afin de subvenir aux besoins essentiels de ses parents. Marcel n’arrive pas à développer une relation sentimentale avec Juliette. Devant cet échec, il sombre dans l’alcoolisme . La relation entre Juliette et Marcel tourne rapidement au cauchemar...
Critique : Premier long métrage d’Aline Issermann, Le destin de Juliette fut sélectionné à la Semaine de la Critique 1983. Le film sortit en salles quelques mois plus tard, remportera le Prix Georges-Sadoul et sera nommé au César de la meilleure première œuvre de fiction. Auparavant, la cinéaste, autrice de bande dessinée, avait également signé des courts métrages documentaires et promotionnels. Coécrit, avec Michel Dufresne, le scénario du Destin de Juliette est loin de n’être qu’une tranche de vie naturaliste, ce que pourrait laisser croire une lecture hâtive du synopsis. L’existence de Juliette (Laure Duthilleul) n’est pourtant pas de tout repos, en dépit de l’ennui abyssal qui accompagne ses journées pendant plusieurs années. Jeune fille, elle doit gérer l’alcoolisme de son père (Pierre Forget) et le trouble mental de sa mère (Véronique Silver), deux agriculteurs surendettés pour lesquels elle se sacrifie. Contrainte d’épouser Marcel (Richard Bohringer), un technicien de la SNCF qui les héberge, elle devra subir l’indifférence, le mépris puis la violence de ce dernier. Seule la présence de sa petite fille, la bienveillance de son frère et le souvenir d’un amour de jeunesse (Hippolyte Girardot) apportent un peu de réconfort à son quotidien.
- © Panoceanic Films
Aline Issermann évite absolument tous les pièges auxquels un tel matériau narratif auraient pu mener, à savoir la lourdeur réaliste, le chantage lacrymal et la démonstration pesante sur la condition féminine. Évitant également la distanciation qui aurait pu casser toute émotion, elle trouve le ton juste pour brosser le portrait sans concessions d’une femme n’arrivant pas à échapper à son sort, Juliette étant prise au piège des lois sociales mais aussi de ses propres sentiments. Elle se marie par pitié pour ses parents, refuse d’abandonner Marcel pour ne pas être séparée de sa fille, puis par obligation de le soigner. Les professionnels qui devraient la soutenir (avocat, assistante sociale) ne font que l’inciter à étouffer ses rares velléités d’indépendance. Pourtant, il ne faudrait pas réduire Le destin de Juliette à un film sur les violences conjugales (contrairement à ce que sera l’excellent Ne dis rien, de l’Espagnole Icíar Bollaín), même si ce thème est central dans la narration. Le métrage d’Issermann par son style et son contenu (sur la ruralité, le désir d’émancipation, la protection de l’enfance) se rapproche d’avantage d’œuvres aussi diverses que Y aura-t-il de la neige à Noël ? de Sandrine Veysset ou Jusqu’à la garde de Xavier Legrand.
- © Panoceanic Films
Il faut ici souligner la mise en scène harmonieuse d’Issermann. Elle privilégie l’ellipse et le hors champ dans les moments les plus dramatiques (le suicide d’un enfant, l’agonie d’un incurable), et accorde une importance particulière à la composition des plans (notamment pour les scènes à la campagne), le travail de la cheffe opératrice Dominique Le Rigoleur amplifiant la qualité visuelle du film, sans images léchées. Il n’est pas superflu de mentionner le talent des interprètes. Laure Duthilleul est prodigieuse en épouse et mère à la fois résignée et combative, et l’on peut regretter que l’actrice n’ait pas eu une carrière à la hauteur de son talent, à l’exception de deux bons rôles dans Le thé au harem d’Archimède et Au pays des Juliets de Mehdi Charef. En salaud intégral, Richard Bohringer trouvait l’un de ses premiers grands rôles, mais qui devait l’enfermer un peu dans un emploi archétypal. Quant à la réalisatrice, elle ne devait malheureusement pas réitérer la réussite de ce premier long, la suite de sa filmographie étant une suite de déconvenues artistiques et commerciales (L’amant magnifique, Cherche fiancé tous frais payés...). Le destin de Juliette revient en salles (en même temps qu’une première édition DVD/Blu-ray) le 25 janvier 2023, après des années où il n’avait pas pu être diffusé en raison d’un imbroglio juridique. Le même jour, sortira également le premier roman de la réalisatrice, L’insolente liberté des boutons d’or.
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