Désunis par le liens du mariage
Le 6 novembre 2011
Avec une mise en scène épurée et une grâce silencieuse, Noces éphémères inspire un souffle de vie sous le voile du hidjab. Délicat, élégant, bouleversant. En un mot authentique.
- Réalisateur : Reza Serkanian
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Iranien
- Durée : 1h18mn
- Date de sortie : 9 novembre 2011
- Plus d'informations : http://www.serkanian.com/Index/inde...
- Festival : Festival de Cannes 2011
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- Acteurs : Mahnaz Mohammadi, Hossein Farzi Zadeh, Javad Taheri
Avec une mise en scène épurée et une grâce silencieuse, Noces éphémères inspire un souffle de vie sous le voile du hidjab. Subtil, élégant, bouleversant. En un mot authentique.
L’argument : Une société qui étouffe les désirs et les aspirations individuelles. Une relation entre le jeune et fougueux Kazem et sa belle-soeur Maryam. Une ville iranienne où se pratique une coutume étrange : le mariage à durée déterminée.
Notre avis : Présenté en ouverture de la programmation Acid du festival de Cannes (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), Noces éphémères est un pur objet de poésie. Réalisé par Reza Serkanian et déjà recompensé pour ses qualités d’écriture (Grand prix du jury Sopadin : meilleur scénario), le premier long-métrage du cinéaste iranien a de beaux jours devant lui. L’originalité du sujet (le mariage à durée déterminée), l’audace de mise en scène (tournage mené malgré la censure), et la force d’humanité des personnages font de ce film le portrait de toute une génération. Car ici, le contexte, loin de se faire oublier sous les artifices de la fiction, prend de l’ampleur et gagne la sphère de l’intime, du moi et de la relation à l’autre. Le récit centralisé autour d’une action structurante, le contact, prend d’abord racines dans l’univers enchanteur de la maison familiale. Apaisante, joyeuse, et fourmillante de vie, elle est le lieu de vieilles retrouvailles, que ce soit pour le personnage de Mariam (belle fille et veuve d’un des fils) ou Kazem (fils et beau-frère de Mariam). Un retour en enfance placé sous le sceau de la circoncision, première étape de maîtrise du corps dans la religion musulmane, marquée à vif sur la chair des jeunes garçons. Constamment présent dans le récit, le sexe flotte dans l’air sans jamais vraiment atterir. Objet de fantasmes, de frustations, et d’incompréhensions il s’impose comme le seul espace de liberté, très vite contrarié. Regarder et être regardé. Pouvoir toucher et autoriser à toucher. S’abandonner à désirer et se laisser aimer. A l’écran, le poids des interdits et des traditions s’inscruste dans chaque recoin de l’image. Séparés dans le cadre (stratification dans le plan par le biais de murs et de piliers) et dans l’espace (répartition des lieux) hommes et femmes se croisent sans jamais vraiment se rejoindre.
Ce remue-ménage donne d’ailleurs lieu à de subtils chorégraphies des corps fuyants, très souvent mis en scène dans des lieux de passages. Portes, escaliers, voitures, le cinéaste porte une attention toute particulière à la composition de son cadre, qui, à l’image de la société iranienne, est fortement hiérarchisé. Usant avec détails et nuances d’une grande profondeur de champ, Reza laisse parler les objets, les décors, et surtout, le silence. Avec délicatesse et précaution, la caméra se resserre lentement sur l’intimité des sujets filmés, par étape et par échelle de plan, comme pour demander la permission. Profondément marquée par la notion de respect, axiome même du Coran, l’approche se fait tout dans la retenue. Une pudeur qui décuple l’intensité de sentiments, exprimés par accoups, par chance et par hasard, au détour d’un regard. Intériorisées, les conventions morales deviennent plus la règle du jeu familial que le lieu de restrictions, installant une ambiance conviviale et bonne enfant faite de caches-caches, de chassés-croisés, et d’entrevues clandestines tapies sous les marches de la cave. Adossés à la fenêtre et baignés d’une lumière pelucheuse, Mariam (l’actrice et cinéaste Mahnaz Mohammadi) et Kazem rêvent sagement à leur avenir, presque aussi innocemment que la petite dernière. Presque, car très vite, il faut grandir, la mort frappe à la porte.
Du deuil du grand père, dont les prières quotidiennes et la nonchalance des gestes rythmaient le récit avec la régularité d’une horloge à balancier, naît un second temps, celui de l’âge adulte, de l’extérieur, de la ville. Jusqu’alors soumis à des limites claires et précises (la promesse de mariage entre Kazem et Effat), les deux héros prennent leur envol une fois le nid quitté et se découvrent de l’audace dans un univers citadin bien plus répressif (régime des mollahs, policiers, puristes religieux) que les us et coutumes de la campagne persane. Consumé par son attirance pour Mariam, Kazem n’entrevoit qu’une solution pour vivre leur histoire : le mariage temporaire. L’idée, controversée dans la société iranienne elle même, permet d’unir un homme et une femme (généralement veuve) à durée déterminée sans avoir à prononcer de divorce. Mais Mariam, personnage bien plus éduquée et libre d’esprit que Kazem, s’insurge contre une pratique, qui, sous le couvert du mot mariage, tente de masquer la réduction de la femme au statut d’objet sexuel. Leur amour, échoué quelque part entre les conventions sociales et la peur de la différence, s’achevera comme il a commencé : les yeux dans les yeux. Ni combattante ni soumise, les femmes de Reza Serkanian apparaissent uniques, inclassables et plus vraies que nature. Au final, malgré une gravité apparente Noces ephémères distille une fine dose d’humour (séquence hilarante de la "soupe impure") et de vrais moments de charme comme cette scène filmée dans la pénombre d’une chambre d’hôtel, où la cheville blessée de Mariam rencontre avec trouble et pour la première fois, la main de Kazem. Un très beau film sur la trivialité du destin. A soutenir fermement.
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