Le 19 avril 2020
- Chanteur : Christophe
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L’artiste est mort le 16 avril 2020, à l’âge de 74 ans. A l’égal d’un Manset ou d’un Bashung, il aura marqué l’histoire de la chanson française.
News : De son tube Aline au dernier album Les Vestiges du chaos, de 1965 à 2016, Christophe aura peut-être été la seule star de la génération yéyé à sans cesse se réinventer, finissant par devenir une référence de la musique électro, redevenu hype au mitan des années 90, quand parut son album Belivacqua.
Cette figure protéiforme, époux de la nuit, fut d’abord un auditeur admiratif et éclectique, aussi fan du blues de John Lee Hooker que des ballades d’Elvis, sans omettre l’allégeance à un patrimoine plus hexagonal où se distinguent Gilbert Bécaud, Edith Piaf, Georges Brassens. Baby boomer jusque dans ses pratiques culturelles, le jeune Daniel Belivacqua manifeste, dès sa jeunesse, un goût prononcé pour le cinéma, s’enivre du mythe James Dean, aime les bagnoles comme la jeune Françoise Sagan, un peu plus âgée que lui. Son adolescence est à peine terminée qu’il officie déjà dans un groupe à la syntaxe très anglaise Danny Baby et les Hooligans. Entretemps, il s’est mis à la guitare et à l’harmonica.
En 1963, il prend son envol en solo : un premier prénom gravé sur le sable ne lui portera pas bonheur. Son 45 tours, Reviens Sophie, ne rencontre pas son public. Qu’à cela ne tienne, il récidive deux ans plus tard : la ballade Aline sera le slow de l’année 65 en France. La chanson s’écoulera à plus d’un million d’exemplaires. Les longues plaintes du chanteur à la voix fragile auraient pu le condamner au destin des célébrités éphémères, définitivement impactées par un one-hit wonder. Mais Christophe n’est pas qu’un roucouleur bien habillé qui susurre à l’oreille des jeunes filles sages. Il paraphe définitivement son contrat avec la notoriété, en dégainant l’imparable tube Les Marionnettes la même année.
Et puis, pour quelque temps qui augurent de futures éclipses partielles, le jeune homme subit un reflux de notoriété. Alors il se réinvente, à la manière de son futur beau-frère, le maudit Alain Kan, lui aussi chanteur de variétés, puis artiste transformiste et provocateur, dans ces seventies si bouillonnantes. Mais Christophe, lui, ne fera jamais dans la révolte, ni le glam outrancier. Il s’invente un look de dandy, en laissant pousser moustache et cheveux, signe chez Francis Dreyfus et entame une fructueuse collaboration avec le futur compositeur d’Oxygène et Equinoxe, Jean-Michel Jarre, un alter ego artistique qui restera un ami très fidèle. La récolte est abondante : Les Paradis perdus, publié en 1973, devient une incontournable élégie et le titre d’un album éponyme, classique de la discographie de son auteur. L’année suivante, le duo frappe encore plus fort avec Les Mots bleus, qui génère, outre sa chanson-titre, un autre immense tube désabusé : Señorita. La carrière de Christophe est définitivement relancée. Quatre ans plus tard, le moustachu élégant signe un opus plus hermétique, dont l’intitulé deviendra sa carte d’identité périphrastique : Le Beau Bizarre, boudé par le public, mais acclamé par la critique, où la voix de l’artiste n’a jamais semblé aussi prête de se rompre. Quelques pépites y émergent, comme Le Grand Couteau, cette trop courte chanson.
Les années 80 ne sont pas les plus glorieuses : Christophe y propose un revival des années 60 sous la forme d’une chanson auto-dérisoire, Succès Fou. Une prophétie auto-réalisatrice, aussi, puisque cette niaiserie sirupeuse triomphera, avec plus de 600.000 exemplaires écoulés. Nous sommes en 1983 et l’on est bien loin des expérimentations tentées par le chanteur dans les années 70. Le fond de la piscine sera atteint, non pas dans un petit pull marine, mais à proximité d’une bécane où le latin lover multiplie les clins d’œil à la princesse Stéphanie de Monaco dans Ne raccroche pas, une sérénade synthétique de 1985. Nouveau succès.
Après une dernière horreur composée pour Corynne Charby (Boule de flipper, un hit), Christophe disparaît pour quelques années, change de maisons de disque en 1995, renaît de ses cendres en 1996, avec un album d’une étonnante modernité, impacté par l’influence de la techno, Bevilacqua, qui le fera passer de la case variétés à celle des artistes prodiges, sorciers de studio, noctambules notoires dans un univers gainsbourien, où le noir devient une couleur chaude.
Les yeux à demi-cachés par des lunettes, Christophe est désormais un artiste à la présence évanescente, porté aux nues par la critique des Inrocks ou de Télérama, et qui publie des albums dont le succès est bien moindre qu’auparavant, mais qui se distinguent par leurs constantes recherches expérimentales (Comm’si la Terre penchait (2001), Aimer ce que nous sommes (2004), Les Vestiges du Chaos (2016), avec un duo très revival new wave en compagnie d’une de ses idoles de toujours, le chanteur du groupe Suicide, Alan Vega, peu de temps avant la mort de celui-ci).
Cet artiste inclassable, explorateur acharné de sons nouveaux, aura indéniablement marqué l’histoire contemporaine de la chanson française. Il travaillait sur un nouvel opus depuis quelques semaines.
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