Que du positif
Le 15 avril 2003
Le second album de Benjamin Biolay est tout simplement celui d’un grand artiste.

- Artiste : Biolay, Benjamin

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Le second album de Benjamin Biolay est tout simplement celui d’un grand artiste.
Le virage du deuxième album est toujours difficile à négocier, en particulier quand le premier est une belle réussite. Rose Kennedy est passé, voilà Négatif, second opus de Benjamin Biolay. Entre ces deux sorties, Biolay n’a pas chômé puisqu’il a, entre autres, travaillé sur La disparition, le deuxième album de Keren Ann, et écrit Salle des pas perdus pour Coralie Clément, sa soeur, comme un hommage non dissimulé à Jane Melody Birkin.
Négatif, c’est un double cd composé de 21 titres (14 + 7), une photo couleur pour le recto de la pochette, une en noir et blanc pour le verso. Le "négatif" de l’artiste qui confirme indiscutablement son talent. Certes, le Gainsbourg de la période Melody Nelson n’est jamais très loin. Pourtant, même si certains titres sont indiscutablement influencés par le grand Serge, et cette fois la rythmique et la construction des textes en témoignent, ils "sonnent" Biolay. Car Biolay possède un don indiscutable pour arranger ses morceaux et pour poser sa voix grave et monocorde sur des mélodies tout en finesse.
Tristesse et nostalgie à tous les étages, textes ciselés à la perfection, sentiments "négatifs" pour un univers musical parfaitement maîtrisé. Biolay aime les orchestres de cordes et sait les fondre dans quelques accords de piano pour offrir une dimension magique à ses compositions et créer des atmosphères, à l’image de somptueuses perles comme La pénombre des Pays-Bas, Little darlin’ et Glory hole. Certains arpèges semblent sortis de la guitare de Ry Cooder (Dernier souper au château, Je ne t’ai pas aimé, en duo avec madame), planant fantôme de Stairway to heaven sur Chère inconnue. La petite touche électro enrobe avec délice de nombreux morceaux, comme l’"exsangue" final du premier cd, trip-hop à souhait.
Côté textes, l’influence américaine qui imprégnait Rose Kennedy est toujours présente. Tranches de vie, portraits de personnages (Billy Bob a raison), rêves de grands espaces, sentiments fanés, enfance envolée... Le duo avec Chiara Mastroianni n’est pas sans rappeler celui de la maman avec Gainsbourg ("J’ai retourné le problème/là n’est pas le problème/cela ne prouve rien/j’ai retourné la question/là n’est pas la question/je te sens déjà loin"). Biolay joue parfaitement avec la rythmique des mots et son écriture n’en devient que plus sûre. Holland Spring rappelera aux lecteurs de Nabokov le poème extrait de Lolita, qui avait déjà été remanié par... Gainsbourg ! : "Nom : Peggy Sue/âge : 21/retrouvée nue/sur le chemin/ par l’agent Kowalcksik/dans état critique/en position foetale/près du terminal".
Biolay affiche un visage boudeur et juvénile sur la pochette du disque. Comme un adolescent qui aurait préparé un mauvais coup. Tout le contraire de ce Négatif qui, même s’il a été concocté par un sale gosse, est un album magnifique dont on n’a pas fini de faire le tour.
Benjamin Biolay, Négatif, Virgin (2 CD)