Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard - La critique

Critique : Jean-Luc Godard a rejoint depuis longtemps la galaxie des personnalités à acronyme, en bonne place aux côtés d’YSL (Yves Saint Laurent), BB (Brigitte Bardot) et BHL (Bernard-Henri Levy). Réduit à ce gimmick médiatique et ses bons mots (« Les professionnels de la profession » notamment), le poète de la caméra a disparu derrière l’agitateur incompris. Alain Fleischer a choisi d’inverser la donne et de suivre l’un des plus grands réalisateurs en période de crise. Le documentariste le filme alors que la fameuse exposition du Centre Pompidou prend l’eau et que les desideratas de Godard ne seront pas respectés.
Face à l’échec, comment réagit-il ? Quelle piste suit aujourd’hui ce cinéaste qui n’a jamais cessé d’expérimenter ? Que fait un artiste lorsqu’on ne lui donne plus les moyens de créer ? Malgré un regard quelque peu désabusé, ce sont à des fragments de discours amoureux et cinéphiles que nous convie Fleischer. Jamais poseur, Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard est un portrait juste et brillant qui sonde l’invention géniale du plus suisse des réalisateurs français. Il faut le voir dans une école helvétique d’arts plastiques donner des conseils qui sublimeraient les œuvres d’étudiants murés dans un silence scolaire.
On pense évidemment à Orson Welles qui, à la fin de sa vie, ne pouvait créer faute de financements. La légende Godard a peut-être eu le dessus sur le cinéaste vivant, mais l’humour de JLG fissure encore ce carcan pour un petit moment.