Les chevaux de la discorde
Le 22 juillet 2014
Michael Kohlhaas offre à Arnaud des Pallières l’occasion de renouveler son cinéma. Las, le résultat peine à convaincre, faute à un rythme maladroit et à une absence totale de sensation.
- Réalisateur : Arnaud des Pallières
- Acteurs : Denis Lavant, Amira Casar, Sergi López, Bruno Ganz, Mads Mikkelsen, David Bennent, Jacques Nolot, Delphine Chuillot, Mélusine Mayance, Paul Bartel, Swann Arlaud
- Genre : Drame, Historique, Drame historique
- Nationalité : Français
- Durée : 2h02mn
- Date de sortie : 14 août 2013
- Festival : Festival de Cannes 2013
Résumé : Au XVIe siècle dans les Cévennes, le marchand de chevaux Michael Kohlhaas mène une vie familiale prospère et heureuse. Victime de l’injustice d’un seigneur, cet homme pieux et intègre lève une armée et met le pays à feu et à sang pour rétablir son droit.
Critique : Ce fut l’un des films surprises du dernier Festival de Cannes. Michael Kohlhaas, adaptation du roman éponyme d’Heinrich von Kleist, est un projet qu’Arnaud des Pallières a en tête depuis près de trente ans mais qui, par manque de moyens, n’avait pu se concrétiser. L’histoire, qui se déroule au XVIe siècle, raconte l’épopée guerrière de Michael Kohlhaas, marchand de chevaux et père de famille respectable, qui décide de monter une armée pour assouvir ses désirs de vengeance envers un seigneur qui a brutalisé deux de ses chevaux.
Avec Michael Kohlhaas, Arnaud des Pallières offre à son cinéma d’inédits accents romanesques, lui qui nous avait habitué à des longs métrages nettement plus conceptuels – Adieu et Parc, pour ne citer que deux d’entre eux. Ici, la portée symbolique et utopique d’un tel récit rend inévitable l’établissement d’une intrigue, ce que les premières minutes viennent d’ailleurs confirmer : la mise en scène austère décrit un univers acéré, où les longs plans fixes et le teint basané de l’image – et des personnages – participent à la création d’une ambiance noire et pesante. Très rapidement, la tension dramatique se met ainsi en marche, et avec elle les signes avant-coureurs d’un drame qui se dessine sous nos yeux.
Néanmoins, et de manière paradoxale, le film souffre clairement d’un manque d’ambitions, de hargne, et ne constitue finalement que la chronique élémentaire d’un homme sur qui le sort s’acharne avec provocation. Les enjeux historiques – à noter que l’histoire est transposée dans les Cévennes, alors que celle-ci se déroulait initialement en Allemagne – ainsi que la psychologie des différents protagonistes de cette histoire pour le moins incroyable, ne se limitent malheureusement qu’à leur plus simple apparence. Si quelques rares scènes, comme celle du bain, parviennent à établir un soupçon de dramaturgie, le film se montre beaucoup trop linéaire, aplati par ses lourds enjeux, et souffre d’un manque criant d’incarnation. Preuve en est la séquence du massacre, venant cristalliser la haine furieuse du héros : les combats sont éthérés, tandis que la brutalité qui orchestre chacune des intentions ne parvient pas à offrir la puissance nécessaire à l’établissement d’une sensation, d’une émotion.
Michael Kohlhaas est un film qui ne vit que par les gueules brutalisées de ses personnages, aux traits autant nets que crasseux, beaux que laids. Le choix de Mads Mikkelsen dans le rôle-titre du marchand de chevaux sauve indiscutablement le long métrage de la noyade, tant l’acteur, au visage aussi bien éclatant qu’éclaté, brille de sa prestance et sa sensibilité. La consistance a toujours été un outil du langage chez Arnaud des Pallières, et Michael Kohlhaas ne vient pas déroger à la règle : la mise en scène portraitiste du cinéaste parvient à décrire un monde où la puissance règne en maître, et où les hommes n’existent que par le rapport de force. Dans un dernier plan équivoque, l’acteur danois offre enfin au long métrage la passion qui lui a tant fait défaut. Difficile cependant de ne pas se raidir devant un film si lourd et pourtant si maigre en émotion.
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Lui de Go with the Blog 13 août 2013
Michael Kohlhaas - Arnaud des Pallières - critique
Un an après avoir remporté le Prix d’interprétation masculine pour LA CHASSE, Mads Mikkelsen revenait à Cannes en 2013 pour nous présenter MICHAEL KOHLHAAS du réalisateur français Arnaud Des Pallières. Adaptation d’une nouvelle allemande du XIXème siècle, MICHAEL KOHLHAAS a déjà été porté une première fois à l’écran en 1969 en Allemagne de l’Ouest, mais de manière plus discrète.
C’est l’histoire, au XVIème siècle, d’un marchand de chevaux aux valeurs profondes et sincères, qui mène une vie tranquille et assez prospère, jusqu’au jour où il est victime de l’abus de pouvoir du seigneur de sa région. Touché dans son orgueil et sa fierté, il décide de prendre les armes et de mener une fronde locale, dans l’unique but de se voir reconnaître ses bons droits.
la suite sur notre Blog : http://gowith-theblog.com/michael-kohlhaas/
velocio 14 août 2013
Michael Kohlhaas - Arnaud des Pallières - critique
Présenté en fin de Festival de Cannes 2013, "Michael Kohlhaas" est passé relativement inaperçu, ce qui, dans le cadre d’une sélection officielle 2013 aussi médiocre, est profondément injuste. Certes, ce film n’est pas le chef d’œuvre du siècle, mais il se situait quand même parmi la petite poignée de films vraiment intéressants de cette sélection. Le film d’Arnaud des Pallières est la 4ème adaptation cinématographique de l’œuvre homonyme de l’écrivain allemand Heinrich von Kleist. Parmi les 3 précédentes, la plus connue est celle de Volker Schlöndorff avec David Werner et Anna Karina en têtes d’affiche. Arnaud des Pallières a transposé l’action de ce roman allemand dans notre pays et il a tourné son film dans les Cévennes et dans le Vercors. Quand bien même l’action se passe au 16ème siècle, "Michael Kohlhaas" n’est à proprement parlé ni un film d’époque, ni un film en costumes. La nature est magnifique, les dialogues réduits à ce qui est indispensable. Les thèmes abordés dans le film sont intemporels : il n’est donc pas interdit d’y trouver des échos contemporains. Parmi ces thèmes, on retrouve l’amour, la religion et la vengeance. Toutefois, les questions les plus importantes que pose le film sont les suivantes : jusqu’où peut-on aller pour faire valoir son droit ? Peut-on mettre un pays à feu et à sang, peut-on être à l’origine de nombreux morts, tout cela parce que, au départ, un noble et sa clique n’ont pas traité correctement 2 des montures d’un marchand de chevaux ? Les réponses sont-elles différentes si la corruption et l’injustice règnent dans votre pays ? L’aspect hiératique de Mads Mikkelsen, toujours aussi remarquable, renforce la mise en scène assez abrupte et austère du réalisateur. Dans le rôle de Lisbeth, sa fille, on retrouve Mélusine Mayance, qui jouait Sarah dans "Elle s’appelait Sarah". En fait, on aurait bien vu ce film obtenir le Prix du scénario à Cannes 2013.
nijbodh 9 janvier 2017
Michael Kohlhaas - Arnaud des Pallières - critique
"un rythme maladroit et une absence totale de sensation" ? Ben, c’est un point de vue très personnel... moi, j’ai "marché" du début à la fin ! et je suis assez tombé sous le charme de Mads Mikkelsen.