Messaline - Vittorio Cottafavi - critique

Critique : Cottafavi jouissait dans les années 60 du statut envié d’auteur, et ses péplums en particulier retenaient l’attention de revues comme Présence du cinéma. À vrai dire, en regardant Messaline, on est surtout gêné par des dialogues pompeux et trop nombreux ; et que dire de l’intrigue pataude qui donne des séquences figées et stéréotypées ? Tous les clichés sur la Rome antique s’y étalent avec complaisance. Des bacchanales à la torture, des charges de l’armée au bain impérial, le scénario coche toutes les cases avec méthode.
Pour trouver de l’intérêt à ce film, il faut oublier le mélange des tons, de la tragédie à la parodie (la bagarre dans l’auberge, caricature maladroite d’une bagarre de western), où l’habileté du cinéaste semble s’éteindre. Il est évident qu’il se moque du scénario et se concentre sur sa grande force, l’image et surtout la couleur. Et là, c’est un festival : du bleu de la piscine au rouge des uniformes, la palette la plus large s’épanouit en un goût immodéré du pictural aux éclairages éclatants. Ainsi Cottafavi soigne-t-il particulièrement certaines scènes : celle du bain aux voiles pudiques est de toute beauté, comme la découverte de la tête du jeune homme qu’on avait envoyé pour tuer Messaline.
Aujourd’hui on sourira des quelques audaces érotiques, mais le portrait de l’impératrice conserve encore de sa noirceur : Messaline la corrompue ne cesse de manigancer, de jouer double ou triple jeu, de s’allonger pour séduire et manipuler. Ah ! Ces regards sournois, ces poses alanguies… Du kitsch, certes, mais du plus bel effet. Cottafavi prend d’ailleurs soin de lui opposer une fade jeune chrétienne, qui fait encore ressortir la dépravation autrement plus intéressante de la protagoniste. Reste que, malgré quelques éclairs, comme la bataille dans rivière, assez saisissante et encore une fois magnifiée par des couleurs pétaradantes, le film est trop figé et bavard pour passionner véritablement.

Les suppléments :
Dans Messaline le diable au corps (25mn) Michel Eloy, historien du cinéma, analyse le personnage dans différents films et surtout, évidemment, celui de Cottafavi : avarice, débauche et cruauté y sont certes présents, mais dans ce métrage presque fleur bleue éclosent des bizarreries historiques recensées avec précision par ce bonus. Intéressant et érudit.

L’image :
On notera bien, en cherchant attentivement, de menus défauts, mais l’essentiel est magnifiquement restauré : les couleurs brillent d’un éclat revivifié. Les rouges écarlates, les blancs immaculés et les noirs profonds ravissent les yeux.

Le son :
Des deux pistes (DTS-HD 2.0) il faut préférer l’anglaise : la française, non contente d’être incomplète, a moins bien vieilli et souffre de sifflements et d’un souffle intermittent désagréables. Plus aérée, plus précise, la version anglaise a conservé une belle fraîcheur.