Mère jusqu’au bout
Le 16 septembre 2012
Cottafavi assume les excès mélodramatiques de son sujet de roman photo mais confère à son film une tenue et une pertinence imparable par l’intelligence de sa mise en scène.
- Réalisateur : Vittorio Cottafavi
- Acteurs : Fausto Tozzi, Franco Fabrizi, Giulio Calì, Elisa Cegani, Margot Hielscher
- Genre : Mélodrame
- Nationalité : Allemand, Italien
- Durée : 1h28mn
- Date de sortie : 19 juillet 1955
– Titre en Belgique : Dans le gouffre du péché
– Tournage à partir du 21 janvier 1954
– Avant première à San Marin : 24 juillet 1954
– Première publique à Crémone : 30 octobre 1954
Cottafavi assume les excès mélodramatiques de son sujet de roman photo mais confère à son film une tenue et une pertinence imparable par l’intelligence de sa mise en scène.
L’argument : Margherita Valli, veuve, vit modestement avec son fils cadet Gino en travaillant à domicile pour des maisons de mode. Le fils aîné, Alberto, parti dix ans plus tôt et n’ayant pas donné signe de vie depuis, revient à l’improviste.
Il est bien décidé à s’affranchir d’une existence aventureuse aux marges de la légalité pour commencer une nouvelle vie et s’installe provisoirement dans l’appartement de sa mère avec sa compagne Germaine.
Celle-ci, habituée au luxe, s’adapte mal à la grisaille et à la promiscuité du petit appartement.
Ses rapports avec sa belle-mère sont tendus et les disputes avec Alberto incessantes.
Le jeune homme finit par trouver un emploi de pompiste dans une station service.
C’est alors que resurgit son ex-associé, Filipo, qui essaie de l’entraîner à nouveau dans des affaires douteuses. Il est toujours amoureux de Germaine qui l’a quitté pour Alberto.
- Nel gorgo del peccato / Das ewige Lied der Liebe (1954)
Notre avis : Moins connus que ses remarquables peplums (Les légions de Cléopatre ; La vengeance d’Hercule), les mélodrames réalisés par Vittorio Cottafavi dans les années 50 (Una donna ha ucciso ; Traviata 53 ; Una donna libera) sont des oeuvres passionnantes dont l’intensité émotionnelle et la stupéfiante tenue formelle signalent, de la part du cinéaste, une implication toute particulière.
Co-production italo-allemande, Nel gorgo del peccato a changé plusieurs fois de titre (Madre, Ombre del passato, I due amori, L’amore che diffende), connu des soucis de censure et subi plusieurs modifications de montage (au point qu’il est impossible de reconstituer une version intégrale totalement fiable). Son scénario relève du parfait roman photo mais le film est à l’arrivée très éloigné de ceux de Matarazzo ou du tout venant du genre.
Il se distingue d’abord par un souci très marqué d’ancrage réaliste (la scène avec le propriétaire, celles de la station service) et un travail très original sur la bande sonore : séquences entières privées d’accompagnement musical, partition de Marcello Abbado fortement influencée par la Musique pour cordes, percussions et célesta de Béla Bartók.
- Elisa Cegani (au fond), Franco Fabrizi et Fausto Tozzi dans Nel gorgo del peccato (1954)
Mais tout en adoptant un modernisme formel qui fait parfois penser au Antonioni de Cronaca di un amore Cottafavi ne cherche pas à prendre une distance ironique face au caractère convenu des situations et des retournements dramatiques qu’il filme. Il prend son sujet au sérieux en poussant dans leurs derniers retranchements le mécanisme mélodramatique et le discours moralisateur qu’il véhicule, la netteté même de l’énonciation révèlant à la fois la vérité et l’ambivalence de ce discours.
- Margot Hielscher et Elisa Cegani dans Nel gorgo del peccato (1954)
- Franco Fabrizi et Margot Hielscher dans Nel gorgo del peccato (1954)
Le Centro Cinematografico Cattolico ne s’y est pas trompé, relevant dans son jugement que le film parlait d’amours sales, de violence et estimant que le personnage magnifié de la mère voudrait justifier ce qui ne peut être justifié (Pour sauver son fils elle pousse au crime l’associé de celui-ci, le forçant à la tuer).
S’ouvrant et se clôturant par des plans de ciel sur lesquels on entend la voix d’une morte, Nel gorgo del peccato est enfermé dans une implacable structure circulaire, un véritable étau. Mais l’élégance et la précision d’une mise en scène pensée pour donner au moindre détail tout son poids de sens et de mystère lui insufflent cependant une ample respiration.
L’interprétation est impeccable. L’intensité froide d’Elisa Gegani, doublée par Rina Morelli initialement prévue pour le rôle, suscite un mélange d’empathie et de stupeur face à cette super-mère déterminée qui semble prendre possession, post-mortem, de l’épouse de son fils (Ce n’est pas par hasard qu’on entend au début la fameuse chanson Mamma de Bixio à la radio).
L’actrice allemande Margot Hielscher, doublée* elle par l’incontournable Lydia Simoneschi, ne retrouve sa propre voix que pour chanter brièvement le charmant Piccolo cuore / Das arme kleine Herz composé par son mari Friedrich Meyer. Elle aussi réussit à donner une véritable épaisseur à un personnage d’abord foncièrement antipathique mais qui gagne en humanité tout au long du film.
- Nel gorgo del peccato (Cottafavi 1954)
* Aucun acteur du film n’a d’ailleurs conservé sa voix propre : Fausto Tozzi est doublé par Gualtiero de Angelis ; Franco fabrizi par Pino Locchi et Guido Martuffi, dans le rôle du frère cadet adolescent, a même hérité d’une voix féminine, celle de Flaminia Jandolo !
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Saimo 7 octobre 2012
L’affranchi (Nel gorgo del peccato) - La critique
L’édition DVD édité par RHV en Italie propose sous-tires anglais.