Le 19 avril 2018
Le meilleur film de Jean-Paul Civeyrac, portrait attachant de jeunes cinéphiles, et réflexion subtile sur la création.
- Réalisateur : Jean-Paul Civeyrac
- Acteurs : Nicolas Bouchaud, Diane Rouxel, Jenna Thiam, Sophie Verbeeck, Corentin Fila, Charlotte Van Bervesselès, Andranic Manet, Gonzague Van Bervesselès
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 2h17mn
- Date télé : 10 janvier 2024 22:30
- Chaîne : OCS Pulp
- Date de sortie : 18 avril 2018
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Résumé : Étienne monte à Paris pour faire des études de cinéma à l’université. Il y rencontre Mathias et Jean-Noël qui nourrissent la même passion que lui. Mais l’année qui s’écoule va bousculer leurs illusions…
Critique : Jean-Paul Civeyrac est un cinéaste discret, auteur de films sensibles et plutôt intimistes, tels Ni d’Ève, ni d’Adam ou A travers la forêt. Son dernier opus est sans doute son œuvre la plus aboutie et attachante. « En imaginant un récit en forme d’éducation sentimentale, je voulais parler de cinéma, d’amitié, d’amour et de politique aussi, et réaliser un film un peu comme un premier film, dans une urgence – même si, bien entendu, il n’aurait pu être ce qu’il est devenu sans l’expérience de tous mes films précédents », a-t-il déclaré dans le dossier de presse. Car le caractère autobiographique du scénario est indéniable, Civeyrac ayant suivi un parcours identique à celui de son personnage principal, Étienne, étudiant en philosophie puis en cinéma. Par ailleurs, les professeurs de 7e art incarnés à l’écran sont aussi le double du réalisateur, qui a enseigné à la Fémis et à Paris VIII. Mes provinciales est d’abord un joli récit d’initiation, permettant de suivre les doutes et hésitations d’Étienne. Sa nouvelle vie parisienne complique sa situation sentimentale, et la conception qu’il se fait du cinéma est confrontée à d’autres visions.
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Quand certains de ses camarades ont déjà une approche consensuelle et commerciale du métier de réalisateur, Mathias, le leader négatif du groupe, hautain et sans concessions, ne jure que par Pasolini et Vigo, et ne défend qu’une idée radicale de l’artiste de cinéma. Comment Étienne trouvera-t-il sa place dans ce microcosme contrasté, lui le provincial modeste et manquant d’assurance, mais ne mobilisant que le cinéma pour donner un sens à la vie ? Plusieurs scènes très dialoguées s’avèrent subtiles, lorsqu’elles tournent autour de débats artistiques et sociétaux, et Civeyrac n’hésite pas à pointer du doigt le dogmatisme, tout autant que les complaisances dans l’enseignement de l’histoire et l’esthétique du cinéma. Ainsi, l’échange entre une professeure et ses étudiants offre un savoureux moment, lorsque la première évoque un âge d’or du cinéma italien et met sur le même plan Rossellini et Sergio Sollima, tout en n’accordant aucune importance aux générations ultérieures, que les cinéastes se nomment Sorrentino ou Martone. De même, l’opposition entre Mathias et la jeune Annabelle, qui ne jure que par le militantisme politique et associatif révèle-t-elle deux visions différentes de la rébellion de la jeunesse.
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Mais Civeyrac contourne manichéisme et stéréotypes : la jeune fille qui semble indifférente à tout esthétisme sera la première à succomber à la beauté de Sayat Nova de Paradjanov. Quant au travail formel de Civeyrac, il n’est pas sans évoquer le cinéma de la (post)-Nouvelle Vague, notamment par ces plans-séquences en beau noir et blanc qui font écho aux ambiances de certains Garrel, du Truffaut d’Antoine et Colette, du Rohmer de Ma nuit chez Maud, ou de La Maman et la putain de Jean Eustache. Sans doute le film de Civeyrac n’atteint-il pas ces sommets, mais il surpasse aisément d’autres œuvres ayant traité du thème de l’éveil à la cinéphilie et la réalisation, de Travelling avant de Jean-Charles Tacchella à Innocents de Bernardo Bertolucci, tant son charme est réel. Les jeunes comédiens qu’il a dirigés se meuvent avec brio dans le dispositif, d’Adranic Manet, aux faux airs de Jean-Pierre Léaud jeune, au surprenant Corentin Fila (Quand j’avais 17 ans), en passant par les lumineuses Diane Rouxel et Sophie Verbeeck.
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