Le 6 décembre 2014
La très sage adaptation d’un des derniers romans de Doris Lessing, grande écrivaine britannique nobelisée
- Réalisateur : Jean-Paul Civeyrac
- Acteurs : Pascal Greggory, Alexis Loret, Catherine Mouchet, Guslagie Malanda, Nadia Moussa, Pierre Andrau
- Genre : Mélodrame
- Nationalité : Français
- Durée : 1h35min
- Date de sortie : 31 décembre 2014
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La très sage adaptation d’un des derniers romans de Doris Lessing, grande écrivaine britannique nobelisée
L’argument : Victoria, fillette noire de milieu modeste, n’a jamais oublié la nuit passée dans une famille bourgeoise, à Paris, chez le petit Thomas.
Des années plus tard, elle croise de nouveau celui-ci. De leur brève aventure naît Marie. Mais Victoria attend sept ans avant de révéler l’existence de l’enfant à Thomas et à sa famille.
Sous le charme de la petite fille, ils lui proposent alors de l’accueillir régulièrement.
Peu à peu, Victoria mesure les conséquences de cette générosité.
© Claire Nicol
Notre avis : Juste après avoir été couronnée par le prix Nobel (2007), la grande écrivaine britannique Doris Lessing, alors âgée de 88 ans, publie un court roman, Victoria et les Staveney. Cette icône féministe, militante anticolonialiste et anti-apartheid reprend dans ce récit deux de ses thèmes de prédilection : le racisme et l’hypocrisie sociale.
Sur la proposition d’un producteur, Jean-Paul Civeyrac adapte pour le grand écran le roman de Doris Lessing en réalisant le film Mon amie Victoria. Le réalisateur transpose à Paris et en France l’action qui se situait à Londres et en Angleterre.
Nous suivons ainsi Victoria de l’âge de 8 à 28 ans. Victoria est une jolie enfant noire qui vit avec sa tante, sa mère étant décédée quelques années auparavant. Elle n’a pas connu son père. Un jour, sa tante ayant été hospitalisée d’urgence, Victoria est prise en charge à la sortie de l’école par une famille de « riches blancs ». Edouard, le fils ainé de cette famille, a raté devant l’école la petite fille car il n’attendait pas une gamine noire… Pour Victoria, se retrouver dans un si bel appartement des beaux quartiers de la capitale est un conte de fées.
Par le plus grand des hasards, la belle Victoria retrouve Thomas, le fils cadet de la famille, dix ans plus tard. Ils ont une liaison qui durera tout un été – d’où naitra une fille, Marie. Victoria ne souhaite pas que Thomas l’apprenne. Elle élèvera donc la petite Marie avec le garçon qu’elle a eu avec un musicien noir Sam, qui devait mourir dans un accident de voiture.
Nouveau hasard : Victoria croise un jour dans la rue Thomas et décide alors de l’informer qu’il est le père de Marie. Elle prend conscience qu’elle n’a pas le droit de priver sa fille d’une vie matérielle meilleure que la sienne. Elle réalisera très vite que, Marie étant happée par cette nouvelle famille, le fossé se creusera inéluctablement entre elle et sa fille.
Comme dans le roman de Doris Lessing, Victoria (Guslagie Malanda) est un être sensible, secret, et qui se blinde pour ne rien extérioriser. Elle se sait d’emblée perdante et étrangère en tant que noire dans son propre pays. Le cinéaste a fait le choix, pour entrer dans l’intimité de Victoria, d’utiliser la voix off de sa meilleure amie, Fanny (Nadia Moussa), noire elle aussi.
© Claire Nicol
Mais Mon amie Victoria est plutôt un film décevant. Le réalisateur, tout en respectant au plus près les situations et la succession chronologique du roman, ne parvient pas à nous intéresser ni à l’intrigue ni à ses personnages. Il a gommé les aspects socio-politiques du roman et l’évocation de la condition des étrangers et des Noirs dans les villes occidentales, pour aboutir à un film gentiment romanesque et mélodramatique. Aussi, au fur et à mesure, s’ennuie-t-on mollement, puis fermement. Jean-Paul Civeyrac a certes fait le choix de ne pas réaliser un film coup de poing, mais Mon amie Victoria tourne vite à la guimauve. Le choix de la voix off ne semble pas vraiment pertinent, elle est souvent pesante et parasite l’image – en particulier quand celle-ci est de plus accompagnée d’une bande musicale peu originale. Le film n’échappe pas aux clichés, stéréotypes et caricatures. La scène d’ouverture où on voit deux enfants tourner autour d’un arbre est à ce sujet éloquente. Un arbre censé évoquer par ses racines celles que recherche Victoria…
Doris Lessing a réussi dans son roman à assurer une montée et une intensité dramatique, surtout dans la dernière partie de son roman. On ne retrouve rien de tel dans le film. Le réalisateur a pris quelques libertés, d’ailleurs préjudiciables, dans une des dernières scènes où toute la famille se retrouve dans une maison de campagne avec Marie – et Victoria qui a accepté de venir passer un week-end. On ne ressent pas dans le film la férocité cinglante et le racisme sournois qui émanent des différents membres de la famille et expliquent le gouffre séparant Victoria de cette famille et, de ce fait, son départ précipité de la maison de campagne. Doris Lessing a su, elle, débusquer les mensonges de ces bourgeois « socialistes romantiques », qui acceptent d’accueillir une petite fille métisse qu’ils appellent « élégamment » « petite crème caramel » ou « petit éclair au chocolat ». Comment se seraient-ils comportés avec une petite fille « vraiment noire » ?
Les jeunes comédiens font ce qu’ils peuvent pour habiter leurs personnages peu consistants. Catherine Mouchet et Pascal Greggory, deux grands comédiens, n’ont pas l’air de croire à leurs rôles de parents bobos, acteurs ouverts et cultivés.
Mon amie Victoria est finalement une fade adaptation du roman Victoria et les Staveney. Un roman qui n’est par ailleurs pas un des récits les plus marquants de l’œuvre de Doris Lessing.
© Les films Pelleas
Galerie Photos
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