Le 28 février 2006
- Voir le dossier : Marguerite Duras
Voilà dix ans qu’elle s’est éteinte, celle qui a dissous sa vie dans l’écriture. Retour sur l’œuvre de Marguerite Duras.
Duras a dissous sa vie dans l’écriture, elle a fait céder la réalité devant l’imaginaire, elle a laissé au long du chemin des traces familières, des ruines de mémoire, son histoire mille fois racontée. Duras s’est éteinte le 3 mars 1996. Il y a dix ans.
Jusqu’à la fin, jusqu’au dernier jour, alors même que la maladie rompait le fil de la raison, jusqu’à ces phrases arrachées au profondeurs du coma, MD a écrit, elle a été "cette femme qui faisait des livres", et rien d’autre. Rien d’autre qu’une histoire cent fois racontée, une vie cent fois recommencée, ligne après ligne, pour chercher, toujours plus loin derrière la porte close. Au-delà, il y a l’Indochine, les voix qui se mêlent, s’égarent, s’évaporent dans la moiteur de l’air, ou trouent le silence, comme celle du Vice-Consul qui transperce la nuit de Calcutta, déchire la plainte de la mendiante, hurle le nom d’Anne-Marie Stretter. Depuis le paquebot qui l’a à jamais arrachée à l’enfance indochinoise, inlassablement, elle a lancé des textes comme des bouteilles à la mer, comme les morceaux d’un puzzle impossible à finir. Ce qui existe vraiment, c’est ce qui a été écrit, ce sont les traces laissées par l’histoire au fond de soi. Duras a bâti son œuvre sur ces lambeaux de mémoire, ces poussières de vie, reconstruisant sans cesse une biographie inconnue, oubliée, effacée.
"On ne connaît jamais l’histoire avant qu’elle soit écrite. Avant qu’elle ait subi la disparition des circonstances qui ont fait que l’auteur l’a écrite. Et surtout avant qu’elle ait subi dans le livre la mutilation de son passé, de son corps, de votre visage, de votre voix, qu’elle devienne irrémédiable, qu’elle prenne un caractère fatal, je veux dire aussi : qu’elle soit dans le livre devenue extérieure, emportée loin, séparée de son auteur et pour l’éternité à venir, pour lui, perdue." [1]
Il y a tout juste dix ans, MD s’est perdue à nous. Il nous en reste ces traces familières, cet univers en perpétuelle déconstruction, cette fragilité de soi que l’imaginaire vient rassurer, cette puissance insensée de l’écriture qui voudrait transfigurer le réel pour en faire une réalité.
Notre dossier Marguerite Duras
– Confession ou mise en fiction d’une vie, L’amant fouille la mémoire et effeuille les images jaunies du passé.
– Le travail de mémoire. Peut-on dire que la biographie ait encore un sens pour évoquer une femme qui n’a jamais pu dissocier sa vie et son œuvre ?
– L’image absolue, ou quels ont été les rapports de Marguerite Duras avec le cinéma ?
– L’après-midi de Monsieur Andesmas. Un film aussi personnel que durassien, un superbe hommage de Michelle Porte.
– Une interview d’Alain Vircondelet. Biographe, universitaire, il a côtoyé au quotidien cette femme hors du commun et nous en livre une lecture intime, poignante, mais aussi très lucide, sans complaisance.
[1] Marguerite Duras, Yann Andréa Steiner, P.O.L.
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