L’après-midi de Monsieur Andesmas - Michelle Porte - critique

Critique : À la fois fidèle au texte [1] et à elle-même, Michelle Porte nous offre un film infiniment personnel et furieusement durassien. Une aptitude au silence et au regard, une chorégraphie des déplacements qui fait bouger le monde autour de Monsieur Andesmas, une intimité de la caméra qui ne force jamais les sentiments mais laisse affleurer, à peine, la fulgurance de la passion ou de la douleur. Monsieur Andesmas attend, "aussi longtemps qu’il y aura de la lumière", fait défiler ses souvenirs, illuminés par cette enfant, Valérie, qui le remplit d’un amour absolu. Une enfant qu’il ne voit pas grandir, qu’il ne voit pas changer, qu’il ne voit pas partir.
Michel Bouquet occupe l’espace du drame avec une évidence tranquille, cette "paresse à penser" de la complétude des sentiments. Miou-Miou, femme blessée, victime du revers de la beauté de Valérie, de sa blondeur, témoin de ce que Monsieur Andesmas refuse obstinément d’entendre, fait passer dans un seul geste, un seul regard, la détresse enfouie, la résignation, la force.
Celle de Michelle Porte est justement d’avoir su rendre aux images, aux personnages, cet "entre-deux" durassien. Ces non-dits, ces silences, ces rencontres aussitôt échappées, cette impossibilité à dire la passion. Duras est partout. Dans ces cris qui montent du village, le vent qui souffle dans les pins, ces dialogues épurés où la parole, jamais, ne parvient à atteindre l’autre. Réinterprétation d’un univers, L’après-midi de Monsieur Andesmas laisse un sentiment étrange, à la fois de familiarité et d’inconnu, un univers, comme le dit la réalisatrice, débarrassé des "tics durassiens" mais débordant d’une infinie connivence, et d’un respect absolu pour le verbe. Un superbe hommage.

Coup d’œil : Michelle Porte caressait depuis longtemps le projet d’adapter ce texte de Duras qu’elle aimait particulièrement. Le projet avait été parlé du vivant de Duras, avec l’écrivain qui l’avait elle-même encouragée à réaliser le film.