Des compositions
Le 12 septembre 2005
Sylvie Germain, l’écrivain des voix, collecte murmures, échos et souffles pour le portrait fragmenté d’une identité pulvérisée par l’Histoire.
- Auteur : Sylvie Germain
- Editeur : Albin Michel
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française
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Portrait fragmenté d’une identité pulvérisée par l’Histoire, Magnus est un recueil au sens propre : page après page Sylvie Germain la singulière, l’écrivain des voix, y livre les murmures, les échos, les souffles qu’elle a collectés ; tous ces bruits plus ou moins ténus qui disent une existence, si l’on sait toutefois les entendre dans le tumulte du présent.
Qui est Magnus ? Est-ce le nom de l’ours en peluche dont Franz-Georg, l’enfant à la mémoire effacée par on ne sait quelle souffrance, ne se sépare jamais ? Né en Allemagne juste avant la guerre, le héros de ce récit est d’abord une composition écrite par sa mère sur la partition vierge de son esprit sans souvenir. Il est cette histoire maîtrisée, embellie, cette illusion d’un pouvoir absolu sur l’autre - en un puissant parallèle avec le nazisme alors ivre de ses victoires. Tant qu’il n’est que cela, des mots plaqués, des images peintes par-dessus son début de vie désintégré, c’est comme si l’enfant n’était pas vraiment relié au réel ; ses racines partiellement arrachées, il flotte et vit les tumultes de la fin de la guerre en spectateur presque absent au monde.
Mais voilà qu’avec la défaite allemande et la fuite misérable du père autrefois admiré et craint, la vie inventée pour Franz-George par sa mère se désagrège, se déchire. Sans rien y comprendre encore, il entrevoit alors une autre réalité, désolante, monstrueuse, mais qui est son identité véritable.
L’enfant n’a plus d’autre choix que de se pencher sur la béance que constitue sa mémoire. Et parce que l’ours Magnus à l’oreille roussie est le seul témoin d’un passé qui toujours se dérobe, l’enfant décide de porter son nom. Commence dès lors une lente réappropriation. Et à mesure que le portrait se précise, la grande Histoire s’insinue, violente, se glisse par la moindre faille, la plus petite fissure dans la trame qui se tisse. Chaque passion, chaque drame sur le chemin du héros fait en effet une secousse, creuse un fossé sous ses pas. Et c’est à l’occasion de ces chutes qu’il se rapproche peu à peu de sa vérité. Comme s’il devait d’abord s’écorcher en tombant, muer dans la douleur et se défaire ainsi de toutes les peaux artificielles qui l’engoncent et déforment sa perception.
Poignante illustration des conséquences tentaculaires, infinies de la barbarie collective sur l’individu, Magnus restitue avec une retenue magistrale la lente décomposition d’une victime de l’Histoire ; jusqu’à l’ultime vertige de la recomposition enfin possible.
Sylvie Germain, Magnus, Albin Michel, 2005, 276 pages, 17,50 €
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