Réalisatrice de l’âge d’or du cinéma japonais
Le 1er février 2022
Carlotta est bien inspiré de déterrer les films de Tanaka, seule femme réalisatrice de son époque au Japon, qui connaît alors son âge d’or. Etant donné de la splendeur de sa mise en scène, on se délecte de la découvrir sur notre territoire.
- Réalisateur : Kinuyo Tanaka
- Acteurs : Ineko Arima, Mieko Takamine, Osamu Takizawa, Ganjirō Nakamura, Tatsuya Nakadai
- Genre : Drame historique
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h53mn
- Titre original : Ogin-sama
- Date de sortie : 16 février 2022
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– Année de production : 1962
Résumé : Au XVIe siècle, Mademoiselle Ogin tombe éperdument amoureuse du samouraï Takayama. Ce dernier, chrétien, voit son destin au Japon obscurci par l’interdiction de sa religion en terre nippone. Ogin épouse alors un homme auquel elle ne voue aucun amour, jusqu’au retour, quelques années plus tard, de Takayama...
Critique : Le cinéma ne cesse de nous surprendre. Il paraît pour le moins étonnant que l’œuvre de Tanaka, pourtant mise en valeur en tant qu’actrice, ait été oubliée à ce point dès lors qu’elle fut réalisatrice. En effet, jamais il n’a été possible de voir ses films en France. Cet angle de vue met en relief l’extrême solitude, et l’absolue injustice dont elle a souffert : elle demeure la seule japonaise qui fut active à l’époque, et fut bien peu mise en valeur pour cela. Invisibilisation du travail d’une femme ? Cela y ressemble fortement.
Si cet oubli eut lieu a posteriori, que dire des réactions des pontes de l’industrie lorsque Tanaka, alors immense actrice pour tous les grands studios, annonce qu’elle veut passer derrière la caméra. On la prit pour une folle. On craignit la lubie passagère. Mais Tanaka n’en démord pas. Alors qu’aucune – strictement aucune – femme n’exerce le métier de réalisatrice dans les studios à l’époque, elle entame une autre carrière. D’abord troisième assistante réalisatrice, elle enchaîne avec son premier long : Lettre d’amour (1953). Cela se déroule sous l’œil réprobateur du maître Kenji Mizoguchi, immense cinéaste, qu’on ne saluera pas pour son ouverture d’esprit à ce moment, tant il essaya d’empêcher son actrice fétiche – Tanaka joue dans une quinzaine de ses films - de réaliser.
- © 2022 Carlotta Films
En découvrant Mademoiselle Ogin, on bénit Tanaka pour son abnégation. Non seulement elle réalisa six films alors qu’on lui prédisait qu’un seul serait impossible, mais en plus, Mademoiselle Ogin, son dernier, est somptueux.
Certes, cette histoire d’amour impossible en surprendra bien peu, mais le scénario a ceci d’intéressant qu’il étoffe ses personnages, et permet de s’y attacher. Surtout, c’est la précision et la maîtrise de Tanaka qui émerveillent. Certains plans ont l’aura des grands tableaux, et quelques mouvements de caméra gracieux dynamisent une mise scène élégante, jamais lassante. Pour preuve, Tanaka prend quelques libertés avec la caméra, par exemple dans son introduction avec un travelling sur grue assez audacieux. C’est d’ailleurs cet adjectif qui caractérise tout son film. Le choix de certains cadres ne laisse pas insensible, et Tanaka arrive à filmer en décors intérieurs comme extérieurs, avec la même fluidité. La couleur prend toute sa place, et dévoile des costumes magnifiques, dans la longue tradition des films de costumes japonais, dont on a tous des images en tête, avec Akira Kurosawa par exemple.
Elle parvient à retranscrire le trouble de cette jeune femme, épouse d’un mari qu’elle n’aime pas. Le vertige amoureux est souligné par une musique on ne peut plus classique, certes, et les cinquante ans qui nous séparent de l’œuvre pourront en gêner plus d’un.
Reste un moment délicat, qu’il convient de s’octroyer en allant voir Mademoiselle Ogin au cinéma.
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