Le 11 mars 2019
En s’attaquant à un sujet tabou dans une communauté orthodoxe, Yolande Zauberman signe un documentaire poignant dont on ne ressort pas indemne.
- Réalisateur : Yolande Zauberman
- Acteur : Menahem Lang
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Israélien, Français
- Distributeur : New Story
- Date télé : 1er août 2023 19:15
- Chaîne : OCS Pulp
- Date de sortie : 20 mars 2019
- Festival : Festival de Locarno 2018
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Résumé : « M » comme Menachem, enfant prodige à la voix d’or, abusé par des membres de sa communauté qui l’adulait. Quinze ans après il revient sur les lieux du crime : Bnei Brak, capitale mondiale des juifs ultra orthodoxes, la « ville des hommes en noir ». C’est aussi le retour dans un monde qu’il a tant aimé, un chemin où la parole se libère… Une réconciliation.
Critique : Après Les Chatouilles d’Andréa Bescond & Eric Metayer et Grâce à Dieu de François Ozon, M est un nouveau film traitant des ravages de la pédophilie. Si dans la première œuvre le prédateur était un ami de la famille et dans la seconde un membre de l’Église catholique, M aborde avec courage les crimes sexuels commis par des rabbins d’une communauté ultra orthodoxe près de Tel Aviv, par le biais du combat pour la vérité mené par un ancien enfant de chœur devenu aujourd’hui acteur et chanteur. On a pu voir Menahem Lang dans Kedma d’Amos Gitaï, qui l’a encouragé à poursuivre sa carrière. C’est aussi ce cinéaste qui avait donné sa chance à Yolande Zauberman qui fut son assistante dans les années 80. La réalisatrice s’était par la suite fait remarquer avec quelques fictions (Moi Ivan, toi Abraham), et surtout des documentaires qui ont suscité de vifs débats, comme Classified People (sur l’apartheid en Afrique du Sud), ou Would you have sex with an Arab ?, radioscopie des conditions de vie des Arabes israéliens. Le premier mérite de M est d’aborder un sujet d’autant plus tabou en Israël qu’il concerne des micro-communautés où l’ordre moral et le contrôle social sont très forts, aussi bien chez les autorités religieuses que dans des familles subissant la pression de l’entourage.
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On apprend donc que Menahem n’est pas un cas isolé, d’autres enfants ayant subi le même sort y compris chez ses proches, et que certains anciens enfants violés sont devenus à leur tour des violeurs, comme si les non-dits et les traumatismes engendraient les violences les moins avouables. Et quand un témoin révèle que les familles ne font pas de vagues pour éviter de stigmatiser leur fils, on reste abasourdi et effrayé par des comportements ayant eu lieu en toute impunité. Pourtant, Yolande Zauberman n’adopte pas de démarche racoleuse et refuse de céder aux sirènes de la délation ou du règlement de comptes. Elle filme même avec respect et tendresse les rituels tels que les chants religieux, les danses et les prières. Simplement, à l’instar de son protagoniste, elle souhaite éclaircir les zones d’ombre, briser les interdits, libérer la parole et susciter l’écoute, alternant analyses, émotion et légèreté, dans des séquences de nuit dont beaucoup ont été tournées dans la clandestinité.
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Les ruptures de ton contribuent ainsi au pouvoir d’attraction de cette œuvre hors norme, qui établit des correspondances avec d’autres documentaires : une scène de catharsis avec les parents de Menahem n’est pas sans évoquer le travail de mémoire d’Eric Caravaca dans Carré 35, quand la personnalité écorchée mais débordante de vie de Menahem pourra être rapprochée de celle Cassandro dans le film de Marie Losier. « Quand Menahem arrive et se met à chanter, tout le monde se met à chanter avec lui. Les gens n’ont pas de télé, pas de radio, pas de cinéma. Donc c’est qui se passe à la synagogue et dans la rue qui devient le spectacle. Je souriais tout le temps quand je filmais ; ce sourire et le yiddish que je parle ont été une porte d’entrée formidable. Ce monde, je le regardais de l’extérieur jusque-là. J’éprouvais une forme de fascination et en même temps de répulsion. En y entrant avec Menahem, c’est-à-dire avec une blessure, un couteau, c’est tout mon amour qui a pu s’exprimer », a déclaré Yolande Zauberman. Même si l’on peut regretter que le documentaire ne mette pas assez en avant les aspects judiciaires, compte tenu de la gravité des faits évoqués (mais la plupart ont été prescrits), ce n’est pas un moindre mérite de la réalisatrice que de véhiculer un message d’amour et d’espoir, tout autant que de respect de la vérité.
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