Le 1er octobre 2023
L’art de traiter en toute légèreté un sujet horriblement lourd. Les Chatouilles est une œuvre lumineuse qui aborde aussi la renaissance de ceux qui, avec courage, apprennent à remonter la pente de leur vie.
- Réalisateurs : Andréa Bescond - Éric Métayer
- Acteurs : Ariane Ascaride, Karin Viard, Clovis Cornillac, Carole Franck, Grégory Montel, Pierre Deladonchamps, Gringe , Andréa Bescond, Alexis Michalik
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : UGC Distribution, Orange Studio
- Durée : 1h43mn
- Date télé : 1er octobre 2023 21:10
- Chaîne : France 2
- Date de sortie : 14 novembre 2018
- Festival : Festival de Cannes 2018, Festival d’Angoulême 2018
Résumé : Odette a huit ans, elle aime danser et dessiner. Pourquoi se méfierait-elle d’un ami de ses parents qui lui propose de jouer « aux chatouilles » ? Adulte, Odette danse sa colère, libère sa parole et embrasse la vie...
Critique : On joue aux chatouilles pour s’amuser. Mais ces chatouilles-là n’ont rien de rigolo, puisqu’elles se transforment en abus sexuels sur une enfant qui n’est autre qu’Andréa Bescond, la coréalisatrice et actrice du film. Poussée par son compagnon Eric Métayer, à qui elle raconte par bribes les violences sexuelles qu’elle a subies dans son enfance mais aussi les rencontres inattendues et cocasses qui l’ont ramenée vers la lumière, Andréa Bescond se lance dans l’écriture d’un témoignage qui aboutit à la naissance d’une pièce mise en scène par Eric Métayer Les chatouilles ou la danse de la colère. Remarquée au Festival d’Avignon en 2014, elle connaîtra un énorme succès public et sera récompensée par le Molière du seule en scène en 2016. L’idée leur vient alors de la transposer sur grand écran afin d’accorder à ce sujet tabou une portée plus universelle en adoptant des angles différents et en scrutant notamment l’implication de tels événements sur l’équilibre de toute la famille. Si souvent la colère gronde, ils réussissent le tour de force de piqueter d’humour ce sujet encore trop souvent occulté, le préservant ainsi de tout misérabilisme malsain.
- Copyright Stéphanie Branchu - les films du Kiosque
Odette est aujourd’hui trentenaire. La danse est son exutoire. Alors, elle danse plus que de raison. Elle boit aussi pas mal, consomme quelques produits illicites, se détruit dans des aventures amoureuses toxiques. Bref, elle ne sait vivre autrement que dans le désordre et l’excès. Car Odette est porteuse d’un douloureux secret dont elle décide de tenter de se délivrer en se rendant chez un psy (l’excellente Carole Franck, que l’on aimerait voir plus souvent) et prend le spectateur à témoin de ce long cheminement vers la reconstruction.
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Si dans un premier temps, la mise en scène allégorique fantasme le chaos des souvenirs d’enfance d’Odette et les entremêle au présent au point d’égarer le spectateur, son dynamisme et son refus de sombrer dans la noirceur transforment vite ce drame difficilement supportable en combat admirable. « Il nous faut construire avec ce qui nous est arrivé, pas contre » déclare Andréa Bescond. En effet, il en faut de l’abnégation pour ne pas haïr cet homme apparemment bien sous tous rapports qui fait l’admiration des parents de la petite victime mais excelle surtout dans l’art de la manipulation de la manière la plus abjecte qui soit. La fillette n’imagine pas d’autre issue que de se taire et son corps tout entier se remplit d’une rage et d’une culpabilité mélangées qu’elle doit absolument expulser aujourd’hui, faute d’avoir pu être écoutée au moment des faits. Car si insupportable soit-elle, si cette violence sexuelle continue de perdurer (un enfant sur cinq serait victime de ce type d’abus rappelle le film), c’est bien grâce au secret (le meilleur allié du pédo-criminel) dont elle s’entoure, comme le décrit entre rage et résilience la jeune réalisatrice, forte de ce qu’elle a vécu.
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S’appuyant sur un casting de premier choix, elle fait revivre avec précision une famille de classe moyenne immédiatement identifiable. Soucieuse de faire vivre confortablement tous ses membres mais trop préoccupée par son quotidien, elle est incapable de discerner les vrais problèmes. Karin Viard, capable de passer en quelques secondes de la colère à la douceur, semble prendre un malin plaisir à prêter ses traits à cette mère de famille sèche et peu sympathique qui, pour protéger l’apparence de normalité sociale qui lui est indispensable, s’installe dans un déni si extrême qu’il parvient même à être drôle même s’il laisse supposer qu’elle aussi traîne un lourd passé inavoué. Clovis Cornillac incarne, à l’opposé, un homme simple et bienveillant, entièrement tourné vers l’amour qu’il porte à sa fille. Mais trop naïf pour voir le mal surtout là où il ne semble avoir aucune raison d’exister, il se fera berner de la même façon. Car le doux Pierre Deladonchamps au physique avenant et jusqu’ici abonné aux rôles de personnages respectables se coule admirablement dans la peau de cet homme à la froideur implacable et parvient sans peine à nous convaincre qu’il n’existe pas un portrait-type du pédophile.
De ce parcours généreusement lumineux, dépourvu de haine et même souvent émaillé de jolies notes de tendresse, on retiendra le bonheur d’avoir partagé, le temps d’un film, la renaissance de ceux qui avec courage apprennent à remonter la pente de leur vie.
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Léa 15 novembre 2018
Les chatouilles - la critique du film
"Les chatouilles" j’ai hésité avant d’aller le voir. Si vous êtes prêt (es) allez le voir. Oui, c’est un très beau film, il est joué avec tant de délicatesse et de vérité. Les acteurs sont excellents.