Love streams

Un frère, une sœur, l’amour qui se dérobe dans le dernier Cassavetes. Magistral.

L’argument : Un homme, une femme. Frère et sœur. Lui, écrivain, noie ses angoisses de bars en bars et de prostituées en femmes de passage. Elle, en plein divorce, s’installe sous son toit et tente de mettre de l’ordre dans sa vie. Ces retrouvailles après de longues années d’absences vont bouleverser l’équilibre de chacun.

Notre avis : Torrents d’émotion pour cet ultime film de Cassavetes qu’il a mis quatre ans à monter et réaliser, et qu’il a tourné se sachant déjà condamné par une cirrhose du foie (il buvait plus que sec, il faut dire). Son interprétation en devient habitée par son parcours personnel, une métaphore de sa vie. Le film, tourné dans la propre maison du réalisateur, à Hollywood Hills, est une longue introspection, chacun des personnages étant submergé par des réminiscences de son passé. Il y est, comme toujours chez Cassavetes, question d’amour et surtout de confusion des sentiments. Plans fixe et travellings définissent un parti pris esthétique à l’opposé de son style habituel, pour traduire à la fois le vide qui entoure les protagonistes et leur incapacité émotionnelle. L’amour est au centre de cette œuvre, véritable testament de John Cassavetes. C’est une lettre ouverte à celle qu’il a su si bien mettre en scène. Son besoin d’elle, sa peur de la quitter et ses regrets de l’avoir souvent fait souffrir sont ici sublimés par son art à la fois impudique et hypersensible. Pendant tout le tournage, Cassavetes n’a cessé de penser à la maxime favorite de son père : "Il n’y a pas de problème, il n’y a que des solutions." Hélas, s’agissant d’amour, il n’y a pas de réponse. C’est ce que dit ce film désespéré, traversé de moments d’une drôlerie irrésistible et porté à bout de bras par le couple Rowlands-Cassavetes, magistral. Du très grand cinéma d’auteur.