Humaniste
Le 15 août 2024
Troisième film de Cassavetes, produit par Stanley Kramer, Un enfant attend, n’en déplaise à son auteur, est un film bouleversant d’une modernité absolue. Malgré la reprise en main au montage par le producteur, cette œuvre humaniste et éclairée témoigne déjà de ce qui constitue le cœur de l’univers de Cassavetes : l’amour, dans tous ses états.
- Réalisateur : John Cassavetes
- Acteurs : Burt Lancaster, Gena Rowlands, Judy Garland, Lawrence Tierney, Paul Stewart, Elizabeth Wilson, Steven Hill
- Genre : Drame, Noir et blanc, Film culte
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Ciné Sorbonne (reprise)
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Durée : 1h42mn
- Reprise: 7 février 2018
- Titre original : A Child Is Waiting
- Date de sortie : 24 octobre 1979
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– Année de production : 1963
Résumé : Dans une institution spécialisée qui accueille des enfants autistes et trisomiques, une professeur de musique, en désaccord avec les méthodes du directeur psychanalyste, s’attache à un enfant rebelle à toute vie de groupe.
Critique : La mainmise d’un studio ou d’un producteur sur un film ne date pas d’hier, les exemples de films remontés - massacrés ? - par la production étant légion. La Porte du Paradis de Michael Cimino, Le 13ème Guerrier de John McTiernan, ou plus récemment le reboot des Quatre Fantastiques sont autant d’œuvres dont les réalisateurs se retrouvent dépossédés en partie ou en totalité.
Dans le cas précis d’Un enfant attend, l’affrontement entre le producteur Stanley Kramer et le réalisateur John Cassavetes a accouché d’un film splendide malgré les concessions, moderne malgré une fin plus conventionnelle que prévue. Un grand film accouché dans la douleur, mais un grand film tout de même. Car il faut dire toute l’audace de mettre en scène, en 1963, des enfants atteints de handicaps mentaux, et d’en faire le sujet même du film. Avec pudeur et humanité, et surtout une hauteur de point de vue qui évite tout sentimentalisme, Un enfant attend est un film qui interroge sa société. Comment s’occuper de ces enfants pas comme les autres ? À cette question, le film propose deux réponses opposées. Deux personnages pour deux points de vue qui finiront par se comprendre dans un dénouement que John Cassavetes souhaitait très différent.
Il y a d’abord Jean Hansen (Judy Garland, les yeux tristes, bouleversante au piano). Jean qui fait irruption dans le quotidien balisé d’un établissement qui accueille la différence. Un personnage-miroir, reflet du spectateur et de Cassavetes pour qui l’amour est le seul salut possible. Et puis il y a le docteur Clark (magnifique Burt Lancaster, mélange d’autorité et d’humanité). Lui le médecin qui sait trop bien que l’amour ne suffit pas à soigner les êtres, et qu’il faut aussi composer avec une société injuste par nature qui s’impose aux plus faibles ne faisant que la subir. Éloigner ces enfants du cadre normatif d’une société exclusive pour mieux les protéger, c’est le discours du producteur Stanley Kramer, qui mettra aux oubliettes la vision originale de Cassavetes pour cette fin plus consensuelle. Cassavetes le rebelle, Cassavetes l’anti-système qui s’oppose déjà au tout-puissant Hollywood et veut imposer ses idées. Pour lui, il faut intégrer ces enfants à la société sans les distinguer des autres, et faire tomber les murs de ces institutions. Une vision idéaliste, naïve diront certains, mais qui témoigne déjà d’une volonté féroce d’outrepasser les conventions.
Au-delà du discours de société, Un enfant attend dresse un état des lieux de l’amour et de ses différentes formes d’expression. Comme dans Love Streams vingt ans plus tard, les personnages s’aiment d’un amour nourri de contradictions et de maladresses. L’amour qui ne se montre pas, l’amour qui se montre trop, mais l’amour qui sauve pourtant chaque personnage d’un jugement définitif. D’un père mutique et froid ou d’une mère qui a refait sa vie, de l’institutrice trop aimante au docteur qui s’impose une distance avec les enfants, Cassavetes ne condamne pas l’individu, mais le système dans lequel il est imbriqué malgré lui. Amour présent, mais défaillant, bridé par la société et le regard qu’elle porte sur les individus qui ne s’y intègrent pas d’eux-mêmes.
D’abord renié par Cassavetes, Un enfant attend sera finalement jugé moins durement par son auteur. "Je ne trouve pas que son film (à Stanley Kramer, ndlr) - et c’est comme ça que je le vois, comme son film - soit si mauvais, il est seulement beaucoup plus sentimental que le mien" dira-t-il. Cassavetes ne retirera pas son nom du générique, trop conscient peut-être de la part toute personnelle qu’il a insufflé à un film de commande au propos toujours d’actualité.
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