Le 18 janvier 2024
Lost in the Night ne doit pas rebuter par le mystère qu’il dégage. Au contraire, il s’agit d’un thriller passionnant avec pour toile de fond le Mexique toujours hanté par le souvenir de la colonisation espagnole, la corruption et les règlements de comptes entre communautés.
- Réalisateur : Amat Escalante
- Acteurs : Barbara Mori, Juan Daniel García Treviño, Ester Expósito
- Genre : Drame, Thriller, Teen movie
- Nationalité : Allemand, Néerlandais, Mexicain
- Distributeur : Paname Distribution
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Durée : 2h00mn
- Titre original : Perdidos en la noche
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 4 octobre 2023
- Festival : Festival de Cannes 2023
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– Sortie DVD : 6 février 2023
– Festival de Cannes 2023 : sélection officielle, Cannes Première
Résumé : Emiliano vit dans une petite ville minière du Mexique. Habité par un profond sentiment de justice, il cherche les responsables de la disparition de sa mère, une activiste qui défendait les emplois locaux menacés par une société minière internationale. Il ne reçoit aucune aide de la police ou du système judiciaire, et ses recherches le mènent à la riche famille Aldama. Il fait alors la connaissance du père, un artiste renommé, de sa célèbre femme et de leur attirante jeune fille. Il ne tarde pas à travailler chez eux, résolu à découvrir des secrets bien gardés.
Critique : La ville où habite Emiliano avec sa sœur et sa toute jeune compagne est pétrie dans ses contradictions. Les travailleurs veulent que l’exploitation de la mine continue de se développer pour leur propre subsistance, tout en regrettant les effets délétères sur leur santé et l’emprise de riches investisseurs espagnols sur leur destin. En ce sens, ce paradoxe interroge hélas une situation trop courante à travers les pays les plus pauvres du monde où le besoin de nourrir sa famille passe par le renoncement à la santé, l’écologie et la dignité. Lost in the Night n’est pas tout à fait un film militant. C’est d’abord un formidable thriller qui amène le jeune homme à enquêter sur la disparition mystérieuse de sa mère à l’issue d’une réunion publique où elle interpellait directement une toute nouvelle actionnaire de la mine. L’enjeu est clair puisque dès les premières séquences, Amat Escalante met en scène une étonnante tuerie de ces apprentis militants par la police locale. On comprend alors que le garçon est entraîné sur les lieux où il pourra lever enfin les secrets de la mort de sa mère.
- © Pimienta Films
Lost in the Night déjoue tous les ressorts connus du film policier. La plupart du temps, la fiction se déroule dans un seul espace, une demeure superbe, magnifiquement meublée, qui jouxte un lac d’une grande beauté. Au loin, on entend les explosions de la mine. Les habitants de cette maison viennent d’Espagne. Ce sont des artistes, bourgeois, qui se font aider d’indigènes pour entretenir le bâtiment ou s’occuper des enfants. Une grande fille se voue à des filmages de suicides sur son téléphone portable, ce qui lui vaut un certain succès sur les réseaux sociaux. Nous voilà entrés dans un long-métrage tortueux et passionnant. Toute l’histoire suit l’enquête d’Emiliano qui s’infiltre dans cette famille étrange, presque à la manière d’un certain Théorème de Pasolini. C’est un garçon déterminé, sincère, honnête, qui doit faire face aux aspérités du quotidien de son village, pris en tenaille entre une secte et les trafiquants de drogue. On parle aussi des jeunes qui désertent ces paysages secs pour un exil américain.
Amat Escalante n’est plus un débutant au cinéma. Heli parlait déjà du combat personnel d’un jeune homme contre les narcotrafiquants. Le réalisateur transpose son sujet de prédilection dans un univers complexe et tourmenté qui convoque à lui seul tout ce qui peut empêcher l’émancipation économique et sociale du Mexique et réduit la jeunesse soit à choisir un camp armé, soit à survivre médiocrement. D’abord difficile, le film se laisse finalement très rapidement dompté par le spectateur. Le réalisateur ne révèle pas tous les mystères contenus dans le scénario, laissant une part importante à l’interprétation des enjeux. C’est exactement ce qui fait la force du film tant le récit avance à pas feutrés. Les deux adolescents principaux sont magnifiquement filmés. Ils sont non seulement très beaux, mais surtout ils habitent des valeurs, des convictions qui rendent hommage à la jeunesse mexicaine. Escalante aime son pays, autant qu’il sait en dénoncer les rugosités et les injustices.
Une mention spéciale doit être faite pour le jeune comédien principal, Juan Daniel García Treviño. Il interprète ce jeune justicier avec une noblesse et une grande dignité. Il y a dans son regard la profondeur d’un jeune homme qui doit trouver un sens à son destin. Il magnétise littéralement la caméra. Bref, Lost in the Night est un film superbe, envoûtant, qui raconte, au-delà du Mexique, le droit pour chacun de vivre en paix.
Le test DVD
L’image
Le travail du directeur de la photo Adrian Durazo est admirablement rendu. Ce technicien artiste avait déjà montré son talent en collaborant avec Paul Dano sur son film Wildlife. Des intérieurs de la villa bourgeoise aux décors naturels, le support vidéo ne trahit pas la matériau original. Il en est de même pour la photogénie du jeune acteur principal, Juan Daniel García Treviñ.
Le son
Langues : Espagnol 2.0 / 5.1 - Sous-titres : Français. Pas de version française mais personne ne s’en plaindra. La qualité technique est indéniable, et doit beaucoup en amont aux compétences des ingénieurs du son Carlos García, Raul Locatelli et Michel Schöpping.
Les suppléments
Entretien avec le cinéaste Amat Escalante (24mn)
Amat Escalante déclare avoir eu un certaine marge de manœuvre après la réalisation d’épisodes de la série télévisée Narcos. C’est la raison pour laquelle on peut estimer que Lost in the Night est aussi libre et personnel que ses œuvres antérieures, comme Sangre, Los bastardos, Heli et Domingo et la brume. Tout en revisitant les codes du polar et du film à suspense, le cinéaste a tenu à croiser les thèmes des réseaux sociaux influents et de la recherche de disparus. Pour autant, on aurait aimer en apprendre davantage sur les conditions de tournage et les intentions de l’auteur, d’autant plus qu’aucun autre bonus (court métrage, intervention de spécialiste de cinéma...) n’est proposé. Le supplément n’en reste pas moins intéressant.
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